Ce transfert ne doit pas se solder pour des millions de foyers par « un écran noir »

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été dit, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.

Ce texte a un double objet : assurer le transfert de l’utilisation de la bande des 700 mégahertz au profit des opérateurs privés de téléphonie mobile pour faire face au développement croissant du haut débit mobile et, dans le même temps, préserver les intérêts et la modernisation de la télévision numérique terrestre, qui utilise actuellement ces fréquences.

Une procédure d’attribution des fréquences a été ouverte et sera réalisée au moyen d’une mise aux enchères au mois de novembre prochain, à l’issue de laquelle les lauréats paieront pour un droit d’usage de vingt ans. Les autorisations devraient être délivrées d’ici à la fin de l’année, et la bande des 700 mégahertz sera libérée progressivement sur le territoire entre 2016 et 2019 et dès le mois d’avril prochain pour ce qui concerne l’Île de-France.

Nous le savons aujourd’hui, les quatre opérateurs privés de téléphonie mobile ont déposé un dossier de candidature pour l’attribution de ces fréquences, à l’issue de la date limite qui avait été fixée au 29 septembre dernier.

Je ne reviendrai par sur tous les éléments techniques qui entourent ce transfert ; ils sont très nombreux.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire a précisé et approfondi certains points, afin de tenter de « sécuriser » les différents acteurs concernés par ce transfert et ses conséquences.

En effet, l’ensemble des opérations techniques qui s’attachent à ce transfert sont nombreuses, qu’il s’agisse notamment du changement de norme, avec la généralisation de la norme de compression MPEG–4, rendu nécessaire pour diffuser les chaînes de la TNT avec moins de fréquences, de la recomposition des multiplex et des réaménagements de la TNT, ou encore de l’équipement des foyers. Tout cela constitue des opérations lourdes, qui se dérouleront dans un calendrier bien serré.

C’est pourquoi – je redis là notre préoccupation – ce transfert ne doit pas se solder pour des millions de foyers par « un écran noir ». Nous serons donc vigilants quant à la budgétisation de l’aide à l’équipement des foyers modestes, qui ne figurait pas dans le texte initial, et quant au respect, par le Gouvernement, du délai de remise du rapport introduit dans le texte sur ce sujet.

Selon les estimations, 8 % à 9 % des foyers, principalement situés en zone rurale et en montagne, sont équipés d’un décodeur non compatible avec la norme MPEG–4 et, pour 6 % des foyers, il s’agit de l’unique mode de réception.

Je dirai un mot sur la question des brouillages.

Comme cela s’est produit pour le déploiement des réseaux 4G dans la bande des 800 mégahertz, le déploiement de la bande 700 des services de téléphonie mobile va créer des perturbations sur la réception de la TNT, en raison de la saturation de la chaîne de réception des services de télévision ou de la proximité entre les bandes de fréquence réservées au service mobile et celles qui sont réservées à la télévision, qui cohabiteront jusqu’en 2019.

Permettez-moi de rappeler les réserves émises par le président du CSA du fait des nouvelles formes de brouillage que créeront les tablettes et les smartphones à ces fréquences sur la réception de la TNT. L’extension à la bande des 700 mégahertz de la taxe instituée pour la bande des 800 mégahertz pour le recueil et le traitement des réclamations des téléspectateurs relatives aux brouillages causés par la mise en service des stations radioélectriques devra s’avérer suffisante pour couvrir les besoins.

La même vigilance s’impose sur la question de l’indemnisation des opérateurs audiovisuels à la suite de la rupture anticipée des contrats de diffusion sur les deux multiplex qui seront supprimés. Le débat et la navette parlementaires ont permis d’obtenir des engagements du Gouvernement : c’est l’État qui sera chargé de cette indemnisation.

L’Inspection générale des finances, qui avait été saisie durant l’été dernier pour évaluer l’impact de ces opérations sur le marché de la diffusion, reconnaît, dans ses conclusions, selon les rapporteurs des deux assemblées parlementaires à qui celles-ci ont été communiquées, l’existence d’un préjudice pour ces opérateurs techniques de diffusion.

Une solution transactionnelle est en cours, et son coût devrait être supporté par la loi de finances pour 2016. À cet égard, peut-être pourriez-vous nous en dire plus, madame la secrétaire d’État, étant donné que le projet de loi de finances a été présenté ?

Pour conclure, je tiens à insister sur la portée de ce transfert. Je le redis, les fréquences sont des ressources rares, qui font partie du patrimoine immatériel de l’État.

Ainsi, je veux rappeler notre réserve quant au choix de la mise aux enchères plutôt que de la mise en place d’une « redevance » annuelle.

La seconde réserve, que nous sommes nombreux à avoir soulevée, mais sur laquelle nous n’avions pas de prise, concerne le choix de la date, par le Gouvernement, pour procéder dès maintenant à cette attribution, quand de nombreuses voix suggéraient celle de 2020, dont le rapport Lamy.

Nous le savons, les considérations d’ordre budgétaire ont primé : il avait été indiqué, dans un premier temps, que la recette de cette mise aux enchères, estimée entre 2 milliards et 2,5 milliards d’euros, abonderait le budget de la défense. Aujourd’hui, on nous dit qu’elle abondera le budget général de l’État. Pourquoi pas ?

Cependant, nous aurions souhaité un engagement fort du Gouvernement sur ce point, afin que cette somme – ou, du moins, une partie – vienne soutenir le budget de la culture et de la création.

Le secteur culturel, notamment celui de la création, souffre toujours d’un budget insuffisant, et nous connaissons déjà tous des exemples des conséquences sur ces secteurs de la baisse des dotations de l’État aux collectivités.

Malgré ces réserves et compte tenu des modifications apportées ainsi que de la levée de certains points d’incertitude, le groupe CRC ne s’opposera pas à l’adoption de ce texte.

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