Ces migrants n’ont toujours ni statut ni protection juridique

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans quelques semaines, la communauté internationale aura la responsabilité historique de trouver un accord universel permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d’accélérer la transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone. La protection des victimes du dérèglement climatique est l’un des problèmes auxquels la COP 21 devra apporter une réponse.

Les travaux menés dans le cadre de l’initiative Nansen, auxquels les auteurs de la proposition de loi font référence, en particulier le programme de protection, constituent sans aucun doute une base précieuse pour identifier des pratiques efficaces dans ce domaine.

Il est désormais reconnu que le dérèglement climatique et ses conséquences - sécheresse, accès à l’eau potable et réduction de la superficie des terres agricoles - aggravent la vulnérabilité des populations et la multiplication des conflits armés.

S’il est difficile de prévoir l’ampleur du phénomène à venir – on parle de 200 à 250 millions de personnes concernées en 2050 –, on constate d’ores et déjà les conséquences du dérèglement climatique dans nombre de territoires. Nous pensons bien sûr aux inondations au Bangladesh et dans le delta du Nil, à la submersion d’archipels comme les îles Tuvalu et Kiribati, à la fonte du permafrost des terres des Inuits d’Amérique du Nord, du Canada et du Groenland, et à la sécheresse de la bande sahélienne en Afrique de l’Ouest. Tous ces phénomènes climatiques ont et auront des répercussions sur les populations, les cultures, les modes de vie et, en définitive, la survie des peuples.

C’est pourquoi nous partageons la volonté des auteurs de la proposition de résolution de promouvoir « la mise en œuvre de mesures de prévention et de protection des déplacés environnementaux présents ou à venir, qui ne bénéficient aujourd’hui d’aucune reconnaissance ».

Il est urgent non seulement de prendre des dispositions pour atténuer le dérèglement climatique, mais également de mettre en place des outils d’adaptation pour répondre aux besoins de ces populations.

Dès la quinzième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui s’est tenue à Copenhague, l’alliance des petits pays insulaires avait souligné que l’objectif de limiter à 2 degrés Celsius l’augmentation moyenne de la température sur le globe ne permettrait pas de protéger leurs territoires, en sorte que leurs populations seraient de toute façon obligées de quitter leur pays.

Parce que les conséquences du dérèglement climatique sont déjà là, la COP 21 doit absolument déboucher sur des engagements de nature à répondre aux défis qui s’imposent à l’humanité tout entière !

En ce qui concerne plus particulièrement les déplacés climatiques, les résultats de la conférence mondiale sur la réduction des risques de catastrophe, qui s’est tenue en mars dernier au Japon, donnent un premier aperçu de la difficulté.
Lors de ces travaux, en effet, aucune demande de renforcement du droit international public n’a été faite en faveur de ces populations au niveau des Nations unies. Or, ne bénéficiant pas de la protection de la convention de Genève sur les réfugiés, ce que l’on peut comprendre, ces migrants n’ont ni statut ni protection juridiques.

Dans le même temps, plusieurs juristes s’interrogent sur la pertinence d’un élargissement de la protection garantie par cette convention de 1951 aux déplacés environnementaux : ceux-ci restant à l’intérieur de leur pays, un statut international serait finalement assez inopérant.

Le problème n’est décidément pas simple !

Au-delà du statut juridique, on se demande quelle protection humanitaire et quelles mesures d’accompagnement peuvent être mises en place.

La migration a-t-elle vocation à être considérée comme une stratégie d’adaptation climatique qui viserait à sécuriser les revenus des déplacés en leur permettant de ne plus vivre dans les régions à risque, d’aller voir ailleurs ? Cette stratégie d’adaptation a été reconnue notamment lors de la conférence sur le climat de Cancún, en 2010, qui a prévu la possibilité de recourir au Fonds vert pour le climat afin de soutenir, au titre du financement d’adaptation, des politiques de migration et de déplacements de populations.

En tout état de cause, il est nécessaire d’aboutir à un accord global multilatéral afin de répondre aux besoins des déplacés climatiques, un besoin déjà pressant et qui va s’amplifier. Cet accord aurait une portée plus large que les statuts régionaux spécifiques existants, comme l’accord trouvé entre l’État des Tuvalu et la Nouvelle-Zélande.

Cependant, la question de la protection des déplacés environnementaux ne saurait trouver de réponse satisfaisante si on l’isole au sein des causes de migrations. En réalité, les migrants sont contraints de quitter leur vie et leur pays en raison de facteurs multiples : la guerre, la faim, le climat, les persécutions, et tout cela s’additionne !

C’est pourquoi nous considérons que la COP 21 doit prendre en compte non seulement l’urgence écologique, mais aussi l’urgence sociale. En définitive, c’est un seul et même combat ! Les inégalités entre les riches et les pauvres, entre le Nord et le Sud, en sont les symptômes criants. Nous rejoignons d’ailleurs ceux qui dénoncent la dette écologique du Nord vis-à-vis du Sud.

Lors du sommet des Nations unies qui s’est déroulé à New York du 25 au 27 septembre dernier ont été adoptés de nouveaux objectifs mondiaux pour le développement durable.
La lutte contre l’extrême pauvreté est au centre des préoccupations. Or tous les objectifs pour le Millénaire – on le sait bien – n’ont pas été atteints.

Dès lors, parviendrons-nous à atteindre ces nouveaux objectifs ?

Les contradictions entre réalités économiques et impératifs climatiques n’ont pas été dépassées.

Lutter contre le dérèglement climatique implique de lutter contre la pauvreté, l’exploitation humaine, et de changer de paradigme économique. On ne peut pas se contenter de dégager des solutions contraintes par une économie de marché mondialisée telle que celle qui est vécue aujourd’hui. Comme le disait Albert Einstein, nous ne pouvons pas résoudre les problèmes avec la même façon de penser que celle qui les a engendrés.

Il s’agit bien de changer de modèle.

Ces dernières années, on a pu mesurer les conséquences de la sécheresse sur la diminution des récoltes : elle entraîne des famines, des conflits et une exploitation de la misère par des mouvements extrémistes et terroristes.

La spéculation sur les matières premières agricoles aggrave la situation de manière indécente. Aujourd’hui, qui peut affirmer en conscience que cette spéculation fait partie du « business » normal et que l’on doit laisser faire le marché ?

Alors que des murs s’élèvent dans le monde pour repousser les peuples qui fuient la guerre, la pauvreté et la misère ou pour se protéger de ceux qui pourraient bientôt demander refuge, la question des déplacés environnementaux retentit avec plus de force que jamais !

Nous voyons combien il est difficile de régler la question de ces personnes qui se mettent en mouvement et qui cherchent un refuge ailleurs. Il va nous falloir prendre ce problème à bras-le-corps, et dès maintenant.

Si l’on devait résumer, il faut que tous ensemble nous réaffirmions ici la nécessaire solidarité entre les hommes et la fraternité qui doit prévaloir, solidarité et fraternité sans lesquelles nous perdrons notre humanité !

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