Ces contrats territoriaux seront inefficaces sans financement

Ces contrats territoriaux seront inefficaces sans financement - Contrats territoriaux de développement rural

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour réservé au groupe UDI-UC part d’une bonne intention : donner des moyens au milieu rural. Évidemment, nous approuvons l’objectif affiché de lutte contre la fracture territoriale et la désertification du monde rural. Il n’en demeure pas moins que le dispositif préconisé n’est pas convaincant.

Plusieurs sujets nous inspirent des réticences, même si nous saluons le travail de Mme la rapporteur qui a amélioré ce texte... en le réduisant au strict minimum pour, nous a-t-elle dit, tenir compte des nouveautés législatives intervenues depuis son écriture. Dont acte.

Première remarque, l’auteur de la proposition de loi – notre ancien collègue Pierre Jarlier, que je salue – propose un nouvel outil : l’élaboration d’un nouveau contrat. Un de plus, ai-je envie de dire !

Or la plupart des élus locaux considèrent aujourd’hui que l’urgence, pour les collectivités locales, ne consiste pas en l’adoption de nouvelles règles, mais bien en la stabilisation de l’environnement institutionnel et normatif, à la suite du big bang des lois MAPTAM et NOTRe. L’urgence impose également de clarifier les liens entre les collectivités en termes de politiques publiques et de financement desdites politiques, en rétablissant, par exemple, les financements croisés que l’on a voulu supprimer à différents endroits.

Ma deuxième remarque porte sur le parallèle avec les contrats de ville. Il faut souligner la contradiction opérée par cette proposition de loi. En effet, la politique de la ville travaille sur des espaces restreints, à l’échelle de quartiers. Ici, on est à l’échelle du pôle métropolitain rural.

Par ailleurs, l’auteur de cette proposition de loi affirme que les territoires ruraux auraient été les grands oubliés de la loi sur la ville de 2014. Poser la question en ces termes ne semble ni juste ni sain, puisque, pour beaucoup, cela revient à opposer l’urbain et le rural. Or il faut éviter les raccourcis. Faire une politique de la ville est nécessaire et légitime, et cette politique ne s’oppose pas aux autres politiques.

La problématique de la politique de la ville est fondamentalement différente de celle des politiques rurales. La spécificité de la politique de la ville, c’est l’articulation entre l’aménagement urbain et le social. Elle a été conçue pour corriger les travers des politiques de grands ensembles qui ont conduit à créer des poches de pauvreté menant à des stigmatisations et autres discriminations.

Ensuite, ce qui fait la force de la politique de la ville, c’est notamment le poids de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, qui apporte les crédits dans le cadre des plans de renouvellement urbain. Quelle sera la force de frappe de ces nouveaux contrats s’ils ne sont pas adossés à des moyens importants dédiés, humains et financiers ? Et ce, alors même que les financements croisés disparaissent et, surtout, que la régression des dotations fragilise les budgets.

Troisième remarque, l’échelon communal ne trouve pas sa place dans ce dispositif. Seuls les EPCI sont associés à l’élaboration du contrat. Vous conviendrez que cela pose question. Notons aussi que, dans le texte qui nous est soumis en séance publique, rien n’est précisé concernant l’élaboration et l’adoption de ce contrat, et c’est un problème. Des critères d’attribution sont nécessaires, nous en avons parlé et nous en reparlerons tout à l’heure.

Quatrième remarque, cette proposition de loi offrait initialement une place inédite aux acteurs privés, invités à être cosignataires et cofinanceurs dudit contrat. Derrière cette proposition, il y avait l’idée que les entreprises peuvent aussi bien que le service public défendre l’intérêt général. Nous récusons totalement cette vision et rappelons, pour mémoire, que tous les contrats se concluaient jusqu’à présent entre acteurs publics. Très heureusement, cette possibilité a été supprimée du texte.

Cette proposition de loi veut répondre au mal-être et aux interrogations de l’ensemble du monde rural – qui couvre, il faut le rappeler, l’essentiel du territoire national – sur son avenir.

La situation du monde rural et sa désertification sont, pour nous, le témoignage d’un autre mal, la conséquence directe des politiques d’austérité menées depuis des décennies, conjuguées à la libéralisation des services publics. La concentration, la massification de l’activité économique, notamment dans les métropoles, favorisent l’exode rural. Les services publics désertent les zones non rentables pour se concentrer dans les zones rentables, invités à se comporter comme des acteurs privés. C’est, à l’évidence, la mort de l’aménagement du territoire.

La baisse des dotations, entamée par la droite, poursuivie et amplifiée par la gauche, a également des conséquences terribles pour les territoires déjà fragiles, sans compter le recul de la présence de l’État au sein de ces territoires en application de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et de la modernisation de l’action publique, la MAP.

À noter toutefois, madame la ministre, mais j’imagine que vous y reviendrez, que des mesures positives ont été adoptées, comme la création d’un fonds pour aider les collectivités rurales à financer leurs projets ou celle des maisons de service public. Loin de moi l’idée de dire, comme d’autres, que rien n’a été fait : c’est si commode quand on n’a pas à gérer le budget !

On ne peut que s’en réjouir, mais il faut signaler que la diminution des dotations a fortement entamé la capacité d’autofinancement des collectivités. Or, sans autofinancement, ces crédits risquent bien de ne pas être consommés, sans même parler de la disparition de l’aide de l’État à l’élaboration des projets. Néanmoins, après vous avoir entendue ce matin en commission, madame la ministre, il semble que vous en ayez pris conscience et que vous souhaitiez que l’État puisse aider certaines collectivités à monter leurs projets. C’est une bonne chose !

Pour conclure, je rappellerai qu’il y a quelques années le groupe CRC avait défendu une proposition de loi pour le traitement équilibré des territoires permettant de revoir les critères de la DGF, qui s’appuyait sur le constat que les petites communes reçoivent en moyenne par habitant deux fois moins qu’une commune urbaine. À l’époque, aucun élu du groupe UDI-UC n’avait voté cette proposition de loi de rééquilibrage des moyens.

Nous en sommes convaincus, le texte dont nous discutons aujourd’hui est une proposition de loi d’affichage à moins de deux mois des élections régionales. Pour nous, le maintien des dotations aux collectivités est vital : c’est la meilleure réponse démocratique permettant aux assemblées de mener les politiques pour lesquelles elles ont été élues.

C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas cautionner cette proposition de loi qui ne répond pas – c’est son principal écueil – à l’objectif fixé de lutte contre les fractures territoriales, un objectif que nous partageons par ailleurs. Les territoires ruraux rencontrent certes des difficultés, mais ils n’en restent pas moins des territoires dynamiques où il fait bon vivre. Ils se battent, et il ne faut pas les victimiser.

Nous aurons l’occasion d’évoquer les questions budgétaires lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2016. Nous pourrons davantage nous exprimer sur ces sujets à ce moment-là.

Retour en haut