Nous restons dans le cadre de politiques d’austérité et d’un plan triennal qui ne peuvent qu’affaiblir notre action extérieure

Nous restons dans le cadre de politiques d'austérité et d'un plan triennal qui ne peuvent qu'affaiblir notre action extérieure - Projet de loi de finances pour 2016 : action extérieure de l'État (Pixabay)


crédits mission extérieure de l'Etat 2016 : une... par senatpcf

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », bien qu’ils soient modestes au regard de ceux des autres missions, ne doivent pas nous faire sous-estimer l’importance d’un département ministériel dont le rôle est non seulement de promouvoir les valeurs, la culture, la langue de notre pays, mais aussi de défendre les intérêts politiques et économiques de la France à travers le monde.

Dans le contexte confus et instable que nous connaissons, ce sont des objectifs ambitieux et difficiles à atteindre. Il faudrait leur consacrer les moyens nécessaires, à tout le moins suffisants.

Malheureusement, après une décennie de baisse des crédits, nous restons dans le cadre de politiques d’austérité et d’un plan triennal qui ne peuvent qu’affaiblir notre action extérieure.

Avec 3,1 milliards d’euros, la très légère hausse des crédits – 3 % par rapport à l’an dernier – n’est, hélas !, qu’un trompe-l’œil lié à l’absence de couverture du risque de change, à l’organisation de la COP21, ainsi qu’à l’augmentation imposée de nos contributions aux organisations internationales et au financement des opérations onusiennes de maintien de la paix.

En revanche, si l’on raisonne à périmètre constant, les crédits de la mission enregistrent en réalité une baisse de 0,4 %, au détriment des programmes « Diplomatie culturelle et d’influence » et « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Monsieur le secrétaire d’État, l’un des points marquants de votre projet de budget réside dans le fait que l’universalité de notre réseau diplomatique – le troisième du monde, je le rappelle – est sérieusement mise en cause par une politique de fermeture d’antennes consulaires et le projet de transformation de vingt-cinq ambassades, qui devraient adopter un format très allégé d’ici à 2017. De surcroît, le nécessaire redéploiement vers les pays émergents s’effectue souvent au détriment de pays amis de la France. Ce n’est pas la toute relative préservation des moyens de fonctionnement de notre réseau, avec une dotation de 209,5 millions d’euros, qui pourrait suffire à inverser cette tendance.

En 2016, le plafond global de la mission « Action extérieure de l’État » devrait être réduit de 97 équivalents temps plein travaillé, dont 88 sur le seul programme 105, soit une diminution de 1,1 % des effectifs de celui-ci, contre une baisse de 0,8 % du plafond d’emploi de la mission. Comme pour les crédits, cette diminution d’effectifs pèsera essentiellement sur la mission de coopération de sécurité et de défense traduite dans le programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Année après année, cette mission, pourtant essentielle, est considérée comme la variable d’ajustement du budget du ministère des affaires étrangères et du développement international.

Il est important de rappeler que la question de la sécurité ne se pose plus seulement pour nos ambassades, consulats et résidences, puisque des attentats ont aussi frappé les instituts français.

Cette réduction des moyens, notamment les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise pour certains pays d’Afrique, est en contradiction avec notre politique étrangère sur ce continent et avec les efforts que nous menons pour que ces pays prennent eux-mêmes en charge leur sécurité.

La culture est également maltraitée dans ce projet de budget, avec une chute des crédits de 3,9 % et la fermeture de plusieurs antennes culturelles. Cela me semble l’expression d’une conception essentiellement marchande de la culture et je m’inquiète qu’elle soit ainsi encouragée, alors que la mondialisation effrénée exigerait au contraire que la culture soit utilisée comme un outil efficace de connaissance et de dialogue entre les nations.

J’observe enfin que la diplomatie économique prend le pas sur les volets les plus fondamentaux de l’action extérieure et qu’elle est trop guidée par le souci premier de défendre les intérêts de grandes entreprises privées. Dès lors, comment développer notre influence économique en négligeant la dimension culturelle ?

Il s’agit évidemment de mobiliser efficacement l’outil diplomatique afin de favoriser le développement des entreprises françaises à l’international et de promouvoir l’attractivité de notre pays pour les investisseurs et pour les touristes étrangers. Or aucun indicateur d’activité n’a été défini pour évaluer cette nouvelle compétence du ministère et l’essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend de Bercy. Faute d’évaluation des actions menées, on peut s’interroger sur la pertinence des décisions prises.

Par ailleurs, alors que le Gouvernement ne cesse d’affirmer l’importance de l’enseignement français à l’étranger au cœur de notre diplomatie globale, des efforts particuliers sont demandés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, à Campus France et à l’Institut français.

Pendant l’année scolaire 2014-2015, le réseau d’enseignement français à l’étranger scolarisait 330 000 élèves, dans 135 pays. Or l’AEFE voit ses subventions diminuer pour la deuxième année consécutive, alors même que, globalement, le nombre d’élèves inscrits dans le réseau des établissements français ne cesse de croître.

Pour compenser la hausse des coûts scolaires, les frais de scolarité augmentent d’environ 5 %. Mais, dans le même temps, le montant des bourses scolaires stagne !

Tout cela est donc très préoccupant et constitue une menace pour l’enseignement français à l’étranger.

Enfin, j’évoquerai brièvement le tourisme, secteur majeur de notre économie qui fait maintenant aussi partie du périmètre d’action du ministère.

En 2014, la France a confirmé son rang de première destination touristique mondiale en accueillant plus de 83 millions de touristes étrangers. C’est un succès méritoire. Toutefois, il faut relever que l’Organisation mondiale du tourisme a constaté que c’était en France que la croissance des arrivées de touristes étrangers avait été la plus faible.

C’est pourquoi il est difficilement compréhensible que les subventions allouées à Atout France ainsi que les crédits consacrés au tourisme dans la mission « Économie » soient en baisse.

Les discussions budgétaires ne sont pas le moment propice et ne nous laissent pas le temps nécessaire de débattre des grandes orientations de notre politique étrangère, au sujet de laquelle, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les membres du groupe CRC expriment parfois des désaccords importants avec le Gouvernement.

Néanmoins, je profite de l’examen de ces crédits pour réaffirmer combien nous souhaiterions que ceux-ci soient mieux utilisés, mis au service d’une politique plus autonome, plus attentive aux grands mouvements du monde et plus solidaire des luttes des peuples aspirant à leur émancipation, à la démocratie et à la paix.

Ce projet de budget, dont je n’ai abordé que quelques points, comporte trop de motifs d’insatisfaction. Il n’est pas à la hauteur des ambitions que le Gouvernement affiche pour notre pays. En conséquence, les membres du groupe CRC ne voteront pas les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

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