La régionalisation ignore les réalités de terrain et les atouts territoriaux

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est une étape de plus vers la mise en cause de notre réseau consulaire, initiée il y a déjà plusieurs années. Ainsi, depuis près de dix ans, ce réseau est attaqué par les gouvernements successifs et le projet de loi qui nous est soumis s’inscrit dans la continuité de la réforme de 2010, en reprenant certaines des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel.

Pourtant, les promoteurs des réformes successives nous rappellent l’importance des missions fondamentales menées par les CCI auprès des entreprises et des territoires, en termes de formation, d’accompagnement ou encore de gestion d’infrastructures. Même si tous reconnaissent la difficulté des efforts qui leur sont ainsi demandés, cela n’a pourtant pas empêché l’organisation de l’asphyxie progressive du réseau. Comme le souligne le rapporteur lui-même, il y a une érosion des ressources des CCI et des CMA. Ainsi, la baisse des recettes issues de la taxe pour frais de chambres a été de l’ordre de 35 % entre 2012 et 2016.

Toujours selon le rapport de la commission, cette réduction du financement public du réseau des CCI a déjà conduit les chambres à abandonner, au 1er septembre 2015, 349 millions d’euros d’investissements et à mettre en place de véritables plans de suppressions d’emplois concernant 1 750 salariés sous statut. Malheureusement, d’autres départs devront être envisagés ! Il en est de même pour les CMA, dont la taxe pour frais de chambres a baissé de 12,5 % entre 2013 et 2016.

Le plus surprenant, c’est que tout le monde est conscient que les effets immédiats de cette réorganisation, alliée à la réduction des ressources des réseaux, se traduiront par d’autres réductions importantes du nombre des personnes travaillant dans les chambres. Car, in fine, ce qui importe depuis plus de dix ans, c’est d’organiser une diminution des ressources fiscales, qui devrait se traduire par une baisse de la fiscalité des entreprises au détriment de l’emploi et du maillage territorial.

De plus, cette réforme est porteuse d’une centralisation administrative régionale supplémentaire, qui oublie les spécificités de terrain ainsi que les atouts territoriaux à valoriser. En effet, l’objet du présent texte est, d’une part, de favoriser la réduction du nombre d’établissements des deux réseaux – CCI et CMA –, au risque d’entraîner la dégradation du service de proximité nécessaire au soutien des entreprises, et, d’autre part, d’accélérer leur mise en conformité territoriale avec les nouvelles régions, mises en place en application de la loi NOTRe.

En ce qui concerne les CCI, le texte rend opposables les schémas directeurs élaborés par les chambres de région, crée un nouveau schéma régional d’organisation des missions, également opposable, et étend les possibilités de fusion entre les CCI départementales. Il prévoit également une nouvelle représentation des territoires au sein des chambres, en mettant fin à la règle selon laquelle aucune chambre territoriale, locale ou départementale ne peut disposer de plus de 40 % des sièges d’une chambre de région et en modifiant le plafond de sièges des chambres territoriales et des chambres de région, en les portant respectivement de soixante à cent et de cent à cent vingt.

Pour les CMA, le projet de loi autorise la création de chambres interdépartementales, résultant de la fusion de chambres départementales, et précise les modalités de regroupement des chambres de niveau infrarégional en chambres de région. Ces mesures doivent permettre, selon leurs promoteurs, d’améliorer l’intégration régionale du réseau.

Comme une forme d’obsession, l’échelon départemental est ainsi systématiquement dépecé de son organisation administrative et institutionnelle, au fil des différents projets de loi. Nous le contestons ! D’une part, dépouiller le département de sa réalité administrative entraîne de fait la suppression d’un espace de démocratie. D’autre part, nous estimons qu’il est utile de garantir, au niveau départemental, un fort pouvoir d’initiative des CCI, au plus près des besoins, mais également des réalités. À cet égard, les amendements adoptés en commission prévoyant de garantir, par la loi, la présence d’au moins une CCI territoriale dans chaque département ou, le cas échéant, d’une délégation de la CCI de région par département sont les bienvenus. Mais cela reste évidemment très insuffisant.

À l’image des politiques libérales, vous cherchez, une nouvelle fois, à faire des économies au détriment du service public et de l’aménagement des territoires, en privant d’assise territoriale forte les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat. De manière connexe, cela permettra une nouvelle fois d’abaisser les charges des entreprises. C’est donc, selon vos critères, une excellente réforme que vous nous proposez d’adopter ! Nous allons évidemment porter une voix différente…

Déjà, en 2010, les parlementaires du groupe CRC s’étaient opposés à l’application brutale de la RGPP – certains l’appelaient « révision générale des politiques publiques », mais il s’agissait plutôt de la « réduction générale des politiques publiques »… Je note que ce qui a suivi n’est pas mieux ! Nous nous étions également opposés à la régionalisation forcée pour permettre une réduction du coût de l’ensemble du réseau.

Vous l’aurez compris, nous voterons contre ce projet de loi. 

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