Secret fiscal oblige ...

Chronique parue dans Liberté Hebdo.

En début de semaine l’ouverture du procès de Jérôme Cahuzac, ex-ministre du Budget en charge notamment de la lutte contre l’évasion fiscale, est l’occasion de réaborder le combat inlassable qu’il convient de mener contre toutes les pratiques d’optimisation des impôts des particuliers et des grands groupes qui coûte chaque année entre 60 et 80 milliards d’euros au budget de la République.

Pour mémoire le déficit de la France est prévu pour 2016 à 73 milliards d’euros ! Quel choc donc que cette révélation de la détention d’un compte non déclaré en Suisse puis à Singapour par un ministre !

Depuis ces événements certaines mesures ont été prises, création de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Politique et d’un Procureur financier, exilés fiscaux repentis qui ont régularisé leur situation auprès de Bercy, on a ainsi « récupéré » 2,5 milliards d’euros, soit 3,12 % du total perdu chaque année !

On se demande quand même si l’État a bien pris la mesure des choses en fait, attaqué avec la force et la conviction nécessaires ce système si sophistiqué et puissant.

Je vais vous conter une anecdote qui m’a beaucoup marqué, en décembre 2014 lors de ma permanence en mairie de Marquillies, un vendredi après-midi, un inspecteur des finances publiques me rend visite, il ne m’a pas donné son nom me disant simplement qu’il travaillait dans la région Nord–Pas-de-Calais...

Il voulait me parler de la problématique des lanceurs d’alerte au sein de l’administration fiscale française, pour m’expliquer qu’en gros toutes les situations fiscales douteuses repérées n’ont pas les suites administratives qu’elles mériteraient. Je lui rappelle pourtant que les fonctionnaires sont protégés par l’article 40 du Code de Procédure pénale qui leur fait obligation de signaler à leur hiérarchie toute situation potentiellement frauduleuse...

Il confirme, mais me rappelle aussitôt qu’au quotidien les choses ne se passent pas ainsi, ceci pour plusieurs raisons, le fonctionnaire est aussi tenu au devoir d’obéissance hiérarchique, le souci de la carrière pèse également, le principe du « pas de vague », l’accès limité à certains dossiers dits « sensibles », lorsqu’ils concernent des PEP (Personnalités exposées politiquement)...

Entretien édifiant, perturbant, j’ai demandé s’il était possible de recevoir par écrit et sous couvert d’anonymat un courrier reprenant tous ces éléments, il était d’accord, il l’a fait, j’ai reçu ce courrier anonyme au Sénat, un an plus tard, le 14 décembre 2015 exactement, une lettre de 12 pages très documentée qui reprenait tout ce qui m’avait été expliqué de vive voix à Marquillies.

Merci Monsieur X, je ne sais pas si vous aurez l’occasion de lire ce papier, je ferai bon usage des informations que vous m’avez transmises au nom de l’intérêt général et de la République...

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