Singapour reste dans la liste des dix paradis fiscaux

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si le débat fiscal et financier est assez évident dès lors que nous sommes dans un univers familier, c’est-à-dire qu’il est question des pays de l’Union européenne et des pays occidentaux de manière générale – nous le verrons tout à l’heure lors de l’examen de l’accord signé avec la Confédération helvétique –, il l’est moins dès qu’il s’agit de contrées plus lointaines et plus « exotiques ».

C’est d’ailleurs le cas avec la cité-État de Singapour. La moindre consultation d’un site internet spécialisé dans la création de sociétés offshore annonce pour Singapour : 0 % d’impôt, anonymat élevé, pas de capital minimum. Le décor est planté.

Rappelons quelques éléments de la situation de cette entité territoriale, connue pour avoir été conquise par les Japonais dès le début de 1942 lors de la Seconde Guerre mondiale et devenue, voilà un peu plus de cinquante ans, un État indépendant d’un peu plus de 700 kilomètres carrés, avec une population très dense de 5,5 millions de résidents, la communauté dominante étant constituée par les Chinois.

Détachée de la Fédération de Malaisie, la cité-État dispose d’une économie florissante, avec une production de biens et de services par habitant qui la situe au niveau des États-Unis. La valeur de sa production tutoie celle des États de la Fédération de Malaisie, des Philippines, mais, en équivalent européen, celle d’un pays comme le Danemark.

Malgré sa petite taille, Singapour est une véritable plaque tournante du commerce en Asie. Elle est aussi devenue une place financière déterminante. Elle dispose du second port du monde après Shanghai, d’une main-d’œuvre intérieure qualifiée et d’une certaine activité industrielle, notamment dans le domaine des composants électroniques.

Ajoutez une fiscalité relativement douce pour les entreprises et un taux progressif de l’impôt sur le revenu très attractif pour les très hauts revenus, deux fonds souverains largement dotés et une stabilité politique assurée par une même famille depuis 1959, terminez avec une compagnie aérienne réputée pour la qualité de ses services et des surfaces commerciales importantes installées dans un paysage de gratte-ciel à profusion et vous aurez la recette singapourienne de la prospérité économique.

Singapour est l’un des « Tigres asiatiques », comme la Corée du Sud, Macao ou encore Hong Kong, et la réalité du développement du pays ne le classe plus comme une économie en voie de développement.

Si, de manière surprenante, Singapour ne figure pas sur la liste française des États et territoires non coopératifs, pour ne pas dire « paradis fiscaux », elle apparaissait encore en bonne place dans la liste publiée par le magazine Forbes en 2010 parmi les dix premiers paradis recommandés, en huitième position, juste derrière les Bermudes et après le Luxembourg ou les îles Caïmans.

L’actualité française récente nous a aussi montré les connexions existant entre la Suisse et Singapour.

Par ailleurs, la spécificité de Singapour réside aussi dans son niveau d’opacité. En effet, dans un document publié en 2015 par l’ONG Tax justice network classant les États en fonction de leur indice d’opacité financière, Singapour figure en quatrième position sur 92 États classés, le premier d’entre eux étant la Suisse, État dont nous reparlerons tout à l’heure.

Lors de l’examen de cette convention en commission, le groupe CRC a annoncé réserver son vote. Après réflexion, compte tenu des réserves majeures que je viens de mentionner et en pleine lucidité, il s’abstiendra, considérant que, concernant la situation de Singapour, des progrès très sérieux restent à accomplir.

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