Moi Président…

Chronique parue dans Liberté Hebdo.

Après le désastre démocratique des dernières élections régionales de décembre 2015, le haut niveau d’abstention, le score élevé du parti d’extrême droite, le désaveu cinglant de la politique gouvernementale, nous avons tous entendu le message habituel des soirs des scrutins, déjà entendu des dizaines de fois sur les antennes lors des soirées électorales : « Plus rien ne sera comme avant... nous avons entendu le message des électeurs... il y aura un avant et un après régionales, etc. » Deux mois après où en sommes-nous ?

À vrai dire pas bien loin et déjà les futures élections présidentielles occupent tout l’espace dans la tête de tous ceux et celles que le sujet obsède. Notre République souffre de plusieurs maux parmi lesquels justement cette question de la Présidentielle qui est devenue, nous dit-on, l’élection reine de notre système démocratique et ses défauts s’aggravent avec le temps et la médiatisation extrême.

En fait cette élection se mène de plus en plus à la 1ère personne du singulier : « Moi Président... » ou bien « Je déclare ma candidature à l’élection présidentielle de... » Alors on nous explique que cette échéance depuis la Constitution de 1958 est : « La rencontre entre un homme ou une femme et le peuple français ».

Voilà qui est démocratique, on choisit son président.

Nous sommes en monarchie présidentielle. Réduction du mandat à 5 ans, inversion du calendrier présidentielle - législatives, deux décisions qui ont amplifié ce phénomène très personnalisant. Les pouvoirs sont séparés, mais seul le Président peut dissoudre l’Assemblée nationale (ce qui ne réussit pas toujours, voir Chirac en 1997 !), il nomme les ministres au gré des circonstances, en fonction de calculs politiciens savants... et pendant ce temps-là les gens sentent bien que le vrai pouvoir, celui des marchés financiers, maîtrise les choses.

En 1796, un certain Gracchus Babeuf voulait renverser le Directoire avec sa Conjuration des Egaux dans un contexte d’exaspération sociale due à la vie chère. Il voulait ainsi dénoncer les privilégiés qui tiraient profit de la Révolution. Évidemment les contextes historiques ne sont pas interchangeables, mais bon quand même.

Faites le compte à ce jour des « Moi je », qui fusent de tous les côtés ces temps-ci, on a en face de nous une véritable Conjuration des... Égos.

Parlons des idées d’abord s’il vous plait !

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