Argent connu, argent foutu !

Chronique parue dans Liberté Hebdo.

Je tombe par hasard sur le magazine « Les Échos week-end » du 11 décembre 2015 dans une salle d’attente il y a quelques semaines, je le feuillette distraitement et finis par découvrir un article fort intéressant sur les « family offciers », ces cabinets spécialisés qui conseillent dans la plus grande discrétion les grandes fortunes, pas le menu fretin. Sont visés ici les patrimoines pesant au minimum 20 millions d’euros, soit 7 fois le niveau de l’ISF. Ce sont des hommes et des femmes de confiance des familles riches, les « hommes et femmes de l’ombre ».

Des agents un peu secrets que l’on appelle les « family officers », difficilement traduisible. Dans ce milieu la confidentialité est érigée en dogme, normal ces administrateurs de biens ont sous leur responsabilité des dizaines de millions d’euros. La plupart conseillent plusieurs familles pesant chacune au minimum 20 millions, condition sine qua non pour franchir leur porte et bénéficier de leurs services éclairés. Et pour les très grandes fortunes, des milliards d’euros parfois, comme les Peugeot, Dassault, Wendel, Dentressangle, Mulliez ou Bettencourt, les « single family offcers » sont eux dédiés à une seule famille.

L’administrateur de biens à ce niveau est l’homme ou la femme de l’art qui a la maîtrise des domaines clés de la gestion de fortune. L’un d’entre eux basé à Bruxelles déclare dans l’article : « Il y a eu un rush en 2012/2013 et depuis la tendance est moins forte, mais reste soutenue ». Un autre implanté, lui, à Londres indique de son côté : « Pour nos familles qui possèdent des biens en France, la préoccupation la plus forte en ce moment, c’est la fiscalité. C’est même une angoisse ». L’article ne précise pas si cette angoisse est aussi forte que celle des licenciés de chez Goodyear ou de celle de l’allocataire du RSA le 10 du mois... On y apprend aussi que la Suisse compte 4,37 % de millionnaires, une densité record à comparer avec celle de la Grande-Bretagne 1,34 %, les USA 1,30 % et la France qui n’en compte « que » 0,51 %, décidément rien ne va dans ce pays !

Alors le titre de ce billet m’est inspiré par une figure régionale, M. Bruno Bonduelle, qui réagissait à la publication du rapport de l’ONG Oxfam sur la pauvreté dans le monde, lors du Forum de Davos en janvier dernier, je cite : « Quant à la misère des années 30, quand les sirènes se taisaient rue des Longues Haies, les crève-la-faim marchaient trois kilomètres pour venir quêter à la porte de la Villa Cavrois. Aujourd’hui, RSA et allocations ont transformé la misère en pauvreté où l’on mange à sa faim. Certes, vous trouvez encore aux carrefours des enfants en haillons qui mendient, mais vous avez deviné à leurs cheveux de jais qu’ils ne sont pas d’ici ». C’est dans le « Mensuel des Acteurs Economiques du Nord Pas de Calais » ECO121.

Discrétion, confidentialité, hommes de l’ombre dans la gestion de fortune sinon selon l’adage bien connu des milieux « Argent connu, argent foutu », un adage qui ne s’applique malheureusement toujours pas à la pauvreté !

Retour en haut