Quels contrôles pour les écoles privées ?

Madame la Ministre,

Vous connaissez les nombreuses mesures financières favorables à l’école privée prises ces dernières décennies par les gouvernements successifs. Elles n’ont jamais été remises en cause alors même que l’enseignement confessionnel peut mettre en avant son « caractère propre » pour refuser certaines obligations de service Public et que dans le même temps plus de 800 communes de France sont sans école publique.

Ma question ne vise pas à rallumer la guerre scolaire. Elle porte sur un constat de déséquilibre entre : d’une part, les obligations de financement des établissements d’enseignement privé sous contrat d’association, par les collectivités locales, à parité avec les moyens attribués aux établissements publics de même niveau, et d’autre part l’absence quasi totale de comptes que ces établissements privés doivent rendre aux collectivités locales. En effet, le représentant de la collectivité concernée est au mieux invité à titre d’observateur à la réunion du Conseil d’Administration qui porte sur le budget de l’établissement.

Madame la Ministre, cette question est devenue encore plus sensible pour les maires quand il leur est demandé de réduire leurs dépenses de fonctionnement et donc de justifier chaque euro dépensé. Cette interpellation émane notamment de maires de gauche, de sensibilité politique différente, de mon Département. Ceux-ci font le constat de dépenses ascendantes : 200.000 euros de forfait communal à Lens ; multiplication par deux en 5 ans du forfait de la petite commune de Bouvigny Boyeffles contrainte d’appliquer strictement la loi.

L’incompréhension porte notamment sur l’obligation pour les collectivités d’intégrer les sommes consacrées à des projets éducatifs, culturels et sportifs menés avec les écoles publiques, au calcul du forfait communal alors que ces activités ne sont pas menées dans les écoles privées.

Madame la Ministre,
Pensez-vous donner prochainement plus de moyens d’information, de contrôle, de transparence aux maires ? Comment s’effectuent actuellement les contrôles par les Trésoriers Payeurs Généraux ou les Chambres Régionales des Comptes ? Quelle est la nature et le volume de ces contrôles ? Quelles sanctions peuvent être prises en cas de dérive ou de non utilisation des budgets publics dans l’intérêt des élèves ?

Réponse de Mme Emmanuelle Cosse, Ministre du logement et de l’habitat durable.

La Ministre de l’Éducation Nationale, retenue par la réunion mensuelle des recteurs, vous prie de l’excuser.

Vous dénoncez un manque de transparence dans les relations financières entre les communes et les établissements d’enseignement privés sous contrat, et interrogez le Gouvernement sur la consistance du forfait communal. Selon l’article L. 442-5 du code de l’éducation, ce forfait est calculé par rapport aux dépenses de fonctionnement des classes des écoles publiques de la commune. Par conséquent, le forfait communal versé aux écoles privées n’inclut pas les dépenses engagées par la commune pour les activités périscolaires, puisque celles-ci ne constituent pas des dépenses de fonctionnement des classes.

S’agissant du financement des activités périscolaires, le Gouvernement a tenu ses engagements en pérennisant le fonds de soutien aux communes qui organisent ces activités. Ce fonds est ouvert aussi bien pour les élèves des écoles publiques que pour ceux des écoles privées sous contrat, respectant ainsi le principe d’égalité entre l’enseignement public et l’enseignement privé.

Par ailleurs, je souhaite rappeler que deux dispositifs sont prévus par la loi pour permettre aux élus locaux de s’assurer que l’établissement privé sous contrat affecte les fonds publics conformément à la réglementation. En premier lieu, la loi prévoit la participation d’un représentant de la commune siège de l’établissement aux réunions de l’organe délibérant de l’organisme de gestion. Cette règle, qui garantit un droit de regard sur le budget des classes sous contrat, est aussi appliquée aux communes où résident au moins 10 % des élèves : elles ont droit à un représentant au sein de l’organe délibérant de l’organisme de gestion puisqu’elles contribuent aux dépenses.
En second lieu, dans chaque académie, une commission de concertation, qui est notamment composée de représentants des collectivités territoriales, peut être sollicitée sur toute question relative à l’utilisation des fonds publics versés aux établissements privés.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, la loi prévoit d’ores et déjà les outils de contrôle nécessaires pour assurer la transparence du financement des écoles privées sous contrat et répond donc à votre légitime préoccupation.

Réplique du Sénateur Dominique Watrin

Madame la Ministre,
Je veux tout d’abord préciser que je n’ai pas parlé des activités périscolaires mais des projets éducatifs, culturels et sportifs menés avec les écoles publiques, ce qui n’est pas le cas avec les écoles privées.

J’ai bien entendu votre réponse, qui ne m’a pas convaincu. Dans la réalité, les exigences touchant à l’information des collectivités locales, la transparence nécessaire à tous les niveaux sont très largement insuffisantes. Je me contenterai pour l’illustrer de ce qu’écrit elle-même la Fédération Nationale des Organismes de Gestion des Etablissements Catholiques. Je cite : « les informations communiquées au TPG étant issues de la comptabilité, il a tout naturellement accès à l’ensemble des informations et pièces justificatives qui ont permis de l’établir ; par contre, les informations et pièces justificatives relatives aux activités et au patrimoine de la gestion patrimoniale et non scolaire, n’étant pas de son ressort, le TPG n’y a pas accès ».

Pour conclure, je voudrais rappeler le principe énoncé au treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, repris dans la Constitution actuelle. Cet alinéa pose l’obligation pour l’État d’organiser « l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés ». Or dans près de 1000 communes, les parents n’ont pas la possibilité de choisir une école publique puisqu’il n’y en a pas !

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