Une réglementation nécessaire

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 2010, l’usage des drones se démocratise et se diversifie. Ainsi, le secteur des drones professionnels civils connaît de multiples usages dans l’audiovisuel et les médias, l’inspection du bâtiment et les infrastructures, les mines, les carrières, les chantiers ou l’agriculture. Ces usages évoluent comme en témoignent les expériences de La Poste ou d’entreprise de commerce en ligne. Le festival Drôles de Drones, qui s’installera à la Cité des sciences et de l’industrie dans un mois, dévoilera sans aucun doute encore des nouveautés.

On le voit, le marché des drones est source d’innovation, de création d’emplois, de croissance économique. Les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises françaises sont bien placées.

Face à la multiplication du nombre d’utilisateurs et des incidents, on constate une volonté, au niveau tant européen que national, de mieux contrôler les usages des drones.

La Commission européenne travaille actuellement à l’intégration prochaine, dans les textes européens, de dispositions relatives aux engins en deçà de 150 kilogrammes. Le 29 septembre dernier, la commission des transports du Parlement européen a rendu un rapport sur l’utilisation sûre des systèmes d’aéronefs télépilotés plaidant pour un cadre réglementaire harmonisé au niveau européen.

De plus, le Parlement européen a adopté le 29 octobre 2015 une proposition de résolution afin que « l’Union européenne développe le plus rapidement possible un cadre législatif portant uniquement sur l’utilisation civile de systèmes d’aéronefs télépilotés, et que le cadre législatif européen permette, d’une part, au secteur de continuer à innover et de se développer dans les meilleures conditions possible, et, d’autre part, aux citoyens d’avoir l’assurance d’une protection efficace des biens et des personnes ainsi que de leurs données personnelles et de leur vie privée ». Cette phrase résume à elle seule tout l’enjeu du débat.

En 2012, la France a passé une réglementation concernant les usages professionnels de drones. Or, aujourd’hui, le secteur du drone de loisirs connaît un essor très marqué. C’est en ce sens que, faisant suite au rapport d’octobre 2015 du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale sur le sujet, le Gouvernement a pris deux arrêtés en décembre dernier qui viennent renforcer la réglementation.

La proposition de loi que nous examinons traduit utilement ces principes dans la loi.

Tout d’abord, la mise en place, par l’article 1er, d’un régime d’enregistrement par voie électronique est positive. En ce qui concerne la dispense d’immatriculation pour les petits drones, tout dépend, bien sûr, du seuil qui sera retenu par le pouvoir réglementaire.

Le rapport précité recommande l’enregistrement pour les drones entre 1 kilo et 25 kilos : en deçà, aucune formalité ; au-delà l’immatriculation. Comme cela a été rappelé dans le rapport de la commission du développement durable, les États-Unis ont mis en place une procédure d’enregistrement en ligne des drones d’une masse supérieure à 250 grammes à la fin de l’année 2015.

En France, il y aurait environ 200 000 drones de loisir dont 98 % de micro-drones, d’une masse inférieure à 2 kilos. Si nous voulons que la réglementation soit d’application large et donc plus efficace, il est important que le seuil retenu par le pouvoir réglementaire soit assez bas, d’autant plus que l’enregistrement n’est pas une modalité trop contraignante.

L’article 2 crée un nouveau chapitre IV dans le code des transports relatif aux « Règles relatives à la circulation des aéronefs opérés sans personne à bord ».

Il précise la définition du télépilote dans les différents cas : drone piloté, drone automatique, drone autonome.

Il inscrit l’obligation de formation du télépilote pour l’utilisation des drones, dont le contenu et les modalités de vérification de son assimilation sont définis par voie réglementaire ainsi que les peines contraventionnelles sanctionnant d’éventuels manquements. Là encore, ce renvoi au pouvoir réglementaire sur le contenu et les dérogations mériterait que l’on nous apporte des indications, à tout le moins que le Parlement soit informé.

Les articles 3 et 4, concernant la notice d’information et appelant un dispositif de signalement électronique et lumineux, ainsi que le dispositif de limitation de performances, nous semblent aller tout à fait dans le bon sens.

L’article 5 vise à réprimer l’usage illicite ou malveillant des drones. En ce qui concerne les moyens de détection, d’identification et de neutralisation, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales et l’armée de l’air avaient procédé à des expérimentations qui avaient montré que des progrès restaient à réaliser en ce domaine.

Peut-être pourrions-nous connaître aujourd’hui l’état d’avancement du programme de recherche et de protection des zones sensibles conduit par l’Agence nationale de la recherche ? Ces éléments d’informations nous seraient utiles.

Enfin, l’adoption en commission de l’amendement visant le cas des atteintes à la vie privée nous ramène aux questions d’éthique sur lesquelles je voudrais conclure.

En effet, le débat politique sur l’acceptabilité des usages des nouvelles technologies survient presque toujours, pour chacune d’entre elles, dans un second temps. Or l’essor des drones civils professionnels et de loisir pose des questions éthiques en matière notamment de protection de la vie privée. La Ligue des droits de l’homme a récemment dénoncé la possibilité, à Paris, de surveiller à l’aide de drones des manifestations ou des rassemblements ce qui constitue, selon elle, une atteinte à la vie privée et à la liberté de circuler.

Il nous faut donc travailler ces questions et trouver des équilibres entre innovation et protection des libertés individuelles.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons cette proposition de loi (Bravo ! sur les travées du groupe Les Républicains.)…

Mme Évelyne Didier. Je ne vois pas pourquoi vous semblez étonnés !

M. Bruno Sido. Pas plus que ça !

M. Robert del Picchia. Vous êtes toujours aussi brillante !

M. Alain Fouché. Et toujours aussi claire… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Évelyne Didier. Pour toutes ces raisons, je le redis, nous soutiendrons cette proposition de loi, tout en restant attentifs aux questions liées à l’éthique et à la démocratie.

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