Le choix du stockage en couches profondes est certainement la solution la plus sûre aujourd’hui

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débutons l’examen soulève une question essentielle, une question d’actualité dans notre pays depuis plusieurs années : quel mode de stockage des déchets nucléaires de longue vie choisir pour tenir compte au mieux des exigences très élevées de radioprotection et de sûreté de nos concitoyens et des générations futures, dans l’état actuel des connaissances ?

Dans un premier temps, je tiens à souligner que nous souscrivons au propos de M. le rapporteur : la recherche d’une solution de gestion des déchets radioactifs ne constitue pas par elle-même un moyen de pérenniser le recours à l’énergie nucléaire.

Ce dont il est question cet après-midi, c’est avant tout de la gestion des déchets passés et présents. Je rappelle que, en 2013, la France totalisait 1,4 million de mètres cubes de déchets radioactifs, dont environ 47 000 mètres cubes de déchets à vie longue et haute activité.

Même si la question des déchets futurs se posera aussi, bien évidemment, quand bien même il y aurait une évolution de notre mix énergétique avec une réduction de la part du nucléaire, ce dont il est question aujourd’hui, c’est de prendre nos responsabilités en mettant fin à un attentisme qui dure depuis trop longtemps.

Aucune solution satisfaisante n’a jusqu’à présent été trouvée pour éliminer les déchets radioactifs ni même pour réduire les risques qu’ils présentent, jusqu’à des centaines de milliers d’années pour certains d’entre eux. C’est pour cela que nous nous devons d’agir.

Nous pensons qu’il est essentiel de poser le principe de la phase industrielle pilote, qui débutera l’exploitation du site Cigéo. Il ne s’agit pas seulement de choix techniques dont les avantages et les inconvénients pourraient être discutés à l’infini, il s’agit aussi d’un choix politique. Un choix qui accompagne d’autres choix : celui du retraitement, de la valorisation du mox, du positionnement en matière de recherche, etc. C’est un choix politique en termes d’évaluation des risques et des priorités mises en avant pour assurer une meilleure sécurité et une prévention accrue des risques futurs. Ce n’est peut-être pas la meilleure solution, mais c’est sans doute la plus sûre à l’heure actuelle. Rappelons qu’au cours des vingt-cinq dernières années l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a publié dix rapports sur la question spécifique des déchets radioactifs, c’est-à-dire en moyenne un tous les trois ans !

Enfin, aujourd’hui, pour reprendre les termes d’un opposant au projet Cigéo : « Les immenses piscines de La Hague, en particulier, ont des toits qui ne sont pas plus solides que celui de ma maison et qui ne résisteraient pas à l’attaque d’un drone. » C’est pourquoi, il nous semble opportun d’engager ce projet.

La proposition de loi donne, selon nous, une définition satisfaisante de la réversibilité, en précisant aussi la notion de récupérabilité et assure une intervention législative avant le lancement de la phase industrielle globale. C’est une bonne chose, car il s’agit justement de tester la récupérabilité des colis.

Toutefois, nous regrettons pour notre part la faiblesse de la concertation publique et de l’ensemble des parties prenantes, comme le proposait l’ANDRA à la suite du débat public - mon collègue Patrick Abate reviendra sur ce point crucial lors de la défense de l’amendement que nous avons déposé dans le sens d’une plus grande concertation, information et transparence, tant dans le plan directeur de l’exploitation que dans la périodicité de la revue de mise en œuvre du projet. En effet, si le risque est toujours présent, car il est intrinsèquement lié à la notion de déchets radioactifs, la perception de la menace qu’il représente ne pourra être atténuée que s’il y a une transparence totale à toutes les étapes du projet.

La gestion des déchets nucléaires représente un défi sans précédent qui requiert l’obtention d’une discipline et d’une vigilance de la société sur des durées bien plus longues que celles qu’ont connues les organisations humaines à ce jour.

C’est pourquoi, en plus du refus de l’opacité qui a trop longtemps prédominé dans la question nucléaire, il est déterminant de garantir l’indépendance de l’ANDRA, mais aussi de tous les acteurs publics - l’ASN, l’IRSN - qui interviendront dans ce projet, par des financements publics pérennes.

C’est pourquoi aussi nous sommes confortés dans l’idée qu’il faut une maîtrise publique du nucléaire dans toutes ses dimensions civiles et militaires, et de tous les acteurs, d’EDF à Areva, avec pour seul objectif, pour ces entreprises, non pas la rentabilité financière, mais la réponse aux besoins de notre pays, de nos concitoyens, une responsabilité sociétale.

Enfin, ne nous trompons pas : ce projet est un projet d’envergure, sur un temps très long qui nécessitera un financement très important aujourd’hui supporté notamment par les producteurs de déchets nucléaires via la taxe pour les recherches et études sur l’entreposage et le stockage des déchets. C’est pourquoi il faut initier le projet Cigéo aujourd’hui. De plus, les pays qui aujourd’hui ont abandonné l’idée d’un stockage en couche géologique profonde l’ont souvent fait pour des questions budgétaires à court terme et non pour des questions environnementales. Nous pensons qu’il ne faut pas commettre les mêmes erreurs !

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