Vous ne remettez nullement en cause la nouvelle architecture du droit du travail définie par ce projet

Intervention en commission des Affaires sociales.

Je ne vais pas vous surprendre en vous annonçant que nous ne partageons pas le contenu du rapport. Cela ne retire en rien à la qualité des rapporteurs ni au travail d’audition, je le sais intensif, qu’ils ont mené ces dernières semaines. J’ai pu participer à quelques-unes d’entre elles et j’ai trouvé enrichissant les échanges que nous avons eus avec les différents invités.

Nous ne sommes absolument pas surpris par son orientation. Vous ne remettez nullement en cause la nouvelle architecture du droit du travail définie dans ce Projet de Loi, qui donne la primauté aux accords d’entreprise sur les accords de branche et les contrats de travail.

Vous proposez en fait d’aller plus loin encore dans la remise en cause des protections des salariés :

  Sur les licenciements économiques,

  Les contrats saisonniers,

  Sur d’autres points encore, vous l’avez dit vous-même, vous voulez revenir au texte initial avec par exemple la possibilité de travailler jusqu’à 46 h sur 12 semaines, et même 16,

  Sur le renforcement des pouvoirs unilatéraux des chefs d’entreprises, par exemple le droit de fixer eux-mêmes les forfaits-heures et forfaits-jours alors que la France a déjà été condamnée par des instances européennes jugeant exagérée la charge de travail de ces cadres (45-46 h en moyenne par semaine).

Il y a une logique à votre accord global avec ce texte, je rappelle que l’inversion de la hiérarchie des normes avait été engagée par François Fillon dès 2004, puis accentuée avec les lois Xavier Bertrand de 2008 et Warsmann de 2012, sans parler de la loi dite de Sécurisation de l’Emploi sur laquelle vous vous étiez abstenu.
D’ailleurs, vous ne proposez pas de supprimer l’article 2 qui est pourtant la colonne vertébrale de ce Projet de Loi.

Je sais que Madame la Ministre du Travail est venue nous dire que nous ne savions pas lire cet article 2 et qu’il n’y avait pas inversion des normes ! Si, nous savons lire !
Quand le ministre Vidalies pense rassurer les routiers en leur disant qu’ils ne risqueront pas de subir une baisse de majoration de leurs heures supplémentaires (de 25 à 10 %), puisqu’ils bénéficient d’un décret spécifique et unique à leur profession, il avoue du même coup que cette rémunération pourra baisser pour les autres professions ! Il suffira qu’un accord d’entreprise prenne le pas sur un accord de branche comme le prévoit le texte ! Et on sait que le contexte de chômage massif pèsera lourd dans les négociations.

Vous approuvez aussi de nouveaux évitements du paiement des heures supplémentaires avec notamment le lissage jusqu’à 3 ans de l’organisation de la durée du travail !

En réalité, ce que vous nous proposez se situe dans la même matrice que le projet de loi : le programme du MEDEF et les recommandations de la Commission européenne.
J’en appelle d’ailleurs à nos collègues du groupe socialiste. Ils ne pourront en aucun cas se prévaloir d’un quelconque équilibre de ce texte.

Votre responsabilité aujourd’hui, mes chers collègues, c’est d’aider le gouvernement à sortir du déni de réalité dans lequel il s’est enfermé. Je prendrais comme exemple l’article 11que la droite d’ailleurs ne remet pas non plus en cause : les accords dits de préservation et de développement de l’emploi.

Quel est le vrai bilan des accords de même veine issus notamment des lois de 2008 et 2012 : des sacrifices importants consentis par les salariés en termes de productivité, de flexibilité, de moindre rémunération, d’augmentation de la durée du travail quand les actionnaires et les PDG ne faisaient aucun geste et qu’au final des sites ont fermé, -13 % des effectifs totaux chez Renault, entre 7500 et 12 700 suppressions d’emplois chez PSA, sans même parler des départs volontaires massifs de salariés refusant les nouvelles conditions de travail qui s’imposent aux contrats de travail depuis la loi Warsmann.

Et il faudrait avec ce texte accepter d’aller encore plus loin, d’imposer ces sacrifices à encore plus de salariés au seul bénéfice des actionnaires, y compris lorsque l’entreprise ne connait pas de difficultés économiques ? C’est ce qui est écrit à l’article 11 !
Et je note là aussi que les rapporteurs se rallient à ce nouveau dispositif encore plus régressif, en abandonnant même les lois précédentes de la droite.

Oui je sais : Madame la Ministre a bien essayé de nous convaincre que des syndicats ne pourraient pas voter des accords défavorables aux salariés. Là encore, je pose une question, car le projet de loi prévoit que des syndicats minoritaires pourront contourner l’opposition des syndicats majoritaires via le référendum d’entreprise. C’est tout de même une conception curieuse qu’une minorité puisse avoir autant de pouvoirs, ce qui décrédibilise au passage et les syndicats les plus conséquents dans leur défense des salariés et au bout du compte le dialogue social ! Tout en encourageant au passage toutes les manipulations possibles !

Pour toutes ces raisons et d’autres que nous verrons en séance, nous voterons :

  Contre le rapport,

  Mais avec la même force contre le Projet de Loi Travail rejeté, rappelons-le, par de nombreux salariés, deux des trois plus grandes organisations syndicales, et une majorité de Français !

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