« Le loup dans la bergerie »

« Le loup dans la bergerie » - Dernier livre d'Éva Joly (Pixabay)

Tribune parue dans Liberté Hebdo.

Ce n’est pas une histoire enfantine que je vais vous conter cette semaine, il s’agit en fait du titre du dernier livre d’Éva Joly consacré à Jean-Claude Juncker devenu le 1er novembre 2014 président de la Commission européenne. Quelques jours plus tard éclatait le scandale des « Luxleaks », c’est-à-dire les révélations faites grâce à Antoine Deltour, lanceur d’alerte, au sujet des accords fiscaux proposés par le Luxembourg aux multinationales, accords fiscaux évidemment très avantageux pour elles et très dommageables pour les États européens, puisque des milliards d’euros d’impôts ont été perdus, Jean-Claude Juncker en tant que Premier ministre du Grand-Duché était aux manettes à l’époque.

Aujourd’hui, Antoine Deltour est en attente du jugement de la justice du Luxembourg, ce seul exemple illustre parfaitement l’ambiguïté du personnage Juncker.

En effet, la question se pose, comment a-t-on pu placer à la tête de l’Union européenne l’homme qui incarne à ce point le cynisme des paradis fiscaux ? La lecture de ce petit livre nous permet de remonter le fil d’Ariane dans le labyrinthe de l’Europe des trente dernières années.

Jean-Claude Juncker se désole du désamour de l’Europe parmi les citoyens et citoyennes de notre continent. En effet nous n’aimons pas ce que cette Europe est devenue, un espace économique libéral sans règles véritables où la concurrence « libre et non faussée » sévit dans tous les domaines, social et fiscal notamment.

Je me souviens de ce commentaire un jour de Jean Arthuis, sénateur, ancien ministre de Jacques Chirac, lors d’un débat en commission des finances au sujet du pays de Monsieur Juncker : « Le Luxembourg est bien gentil, le matin il nous donne des leçons de bonne gestion des deniers publics et l’après-midi il nous fait les poches ». Formule choc dans la bouche d’un élu libéral, mais tellement pleine de vérité.

Le livre décrit également avec précision le travail des « lobbyistes » (que l’on pourrait traduire très maladroitement par « influenceurs »). A Bruxelles, on estime entre 20 000 et 30 000 leur nombre. Le lobbyiste en chef d’Amazon est marié à la lobbyiste en chef de Google, recrutée quand son prédécesseur est parti s’occuper du lobbying d’Uber, leur présence prend toutes les formes et elle est quotidienne.

Pas d’attaque en règle contre l’homme Juncker, il est d’ailleurs décrit comme un homme affable et sympathique, « fils d’ouvrier et de syndicaliste » comme le présente sa biographie officielle.

C’est le système qu’il a contribué et contribue encore à ériger qui est pointé ici dans ce livre que vous pourrez aisément lire en un aller-retour Lille/Paris en TGV. Très instructif et révélateur, vu de l’intérieur. Lecture à recommander. Aux éditions des Arènes, couverture toute rouge...

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