La justice fiscale et sociale doit être la pierre angulaire des constructions intercommunales

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, d’une certaine manière, la question que posent les membres du groupe UDI-UC procède du constat obligé d’une situation somme toute assez prévisible.

L’une des incitations au développement de l’intercommunalité a toujours consisté à gratifier les participants de quelques menus avantages, ici ou là, en termes de dotations. Du point de vue fiscal, l’intégration fiscale la plus forte est spécialement encouragée.

Ainsi que nous l’avons toujours dit, le développement de l’intercommunalité allait de pair, à l’époque où il fut encouragé, notamment par la loi de 1999, avec une réforme fiscale affectant singulièrement les recettes de taxe professionnelle, celles-ci se trouvant en effet alors progressivement amputées du produit fiscal découlant de la prise en compte de la base salaires.

À cet égard, il faut bien noter que le nouvel effort en faveur de l’intercommunalité, sous le quinquennat précédent, a été réalisé dans le contexte de la disparition de cette taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale, dont la dynamique est beaucoup plus faible, comme chacun a pu en faire le constat objectif ces derniers temps.

L’intercommunalité a été d’autant plus encouragée que l’on mettait en œuvre, par ailleurs, un processus de gel, puis de réduction des concours budgétaires de l’État aux collectivités locales, processus conduisant d’ailleurs très souvent les élus locaux à accroître la pression fiscale pour compenser les pertes de ressources.

Une véritable approche systémique de l’action des collectivités locales est nécessaire aujourd’hui pour comprendre les enjeux du débat ainsi ouvert.

Nous sommes, depuis toujours, partisans de la décentralisation et de la fin de la tutelle directe de l’État, via le rôle des préfets, sur les collectivités territoriales.

Mais, contrairement à ce qui a trop souvent été compris depuis les lois de 1982 et 1983, décentralisation ne peut signifier simple transfert de charges de l’un, l’État, vers les autres, les collectivités locales, à charge pour celles-ci de s’en débrouiller avec leurs moyens matériels, financiers et humains.

La décentralisation va de pair avec la recherche de la solution la plus pertinente et la plus socialement acceptable à l’ensemble des problèmes posés à la société par les évolutions du temps, l’émergence des besoins collectifs, ainsi que par l’exigence de démocratie et de transparence.

Dans la bonne ville de Saint-Pierre-des-Corps, chère à ma collègue Marie-France Beaufils, l’existence d’un service économique pourrait paraître superflue, surtout lorsque l’agglomération dispose de la compétence en matière de développement économique. Au contraire, un tel service a tout son sens, par les éléments de connaissance qu’il peut apporter tant sur le tissu économique que sur les activités industrielles ou commerciales, ou encore du point de vue de la qualité de la main-d’œuvre, des besoins en matière d’emploi, des possibilités de les résoudre à l’échelon local, ou du conseil pouvant être apporté aux acteurs économiques quant à leur propre développement. C’est d’ailleurs en général vers les maires que se tournent les dirigeants des entreprises qui veulent s’installer ou se développer.

Pour autant, la forte intégration fiscale des grandes structures intercommunales ne doit aucunement faire illusion.

La seule action des élus locaux ne suffit pas à assurer durablement une présence économique sur le terrain, les emplois et les activités allant de pair.

C’est aussi parce qu’il faut demander aux acteurs de l’économie un effort de prise en compte des besoins collectifs, un effort en termes d’éthique et de responsabilité au regard de l’environnement local que nous sommes là pour agir.

La fiscalité locale, telle qu’elle évolue dans le cadre de schémas de coopération intercommunale arrivés à maturité, est problématique en ce que l’avantage comparatif des incitations existant pour telle ou telle structure intercommunale s’estompe de plus en plus et que cette homogénéisation des taux d’imposition, singulièrement de la cotisation foncière des entreprises, aboutit à gommer les différences parfois importantes entre structures intercommunales et à remettre en question les éléments de solidarité des diverses dotations, ce qui ne manque évidemment pas d’accroître la part de la fiscalité imputable aux ménages résidents, avec tout ce que cela peut impliquer comme incompréhension…

L’enjeu à venir de la fiscalité et de l’intercommunalité ne peut donc être tout à fait distingué des enjeux plus complexes concernant l’ensemble des collectivités locales de ce pays, leurs compétences, leurs prérogatives et, par voie de conséquence, bien sûr, les moyens financiers à leur disposition pour mener leurs actions et leurs politiques.

Pour assurer la compétitivité de nos entreprises et, par la même occasion, une certaine régularité des recettes fiscales de l’État, on a ainsi réduit le rendement de la contribution économique territoriale, la CET, au regard de ce que la taxe professionnelle représentait. Pour autant, la création de la CET est loin d’avoir soldé le débat sur la contribution des entreprises au financement de l’action locale, d’autant que l’essentiel de la contribution est désormais arbitrairement réparti au travers du taux et de la clé de répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée.

L’ancienne taxe professionnelle, qui constituait un impôt sur les entreprises essentiel, est devenue un impôt dont celles-ci peuvent aujourd’hui s’abstraire, en jouant avec les contours de leur propre valeur ajoutée.

Autrement dit, plutôt que d’être une incitation à l’investissement productif et à l’utilisation rationnelle de cet investissement, l’imposition locale des entreprises est devenue un encouragement en faveur de l’investissement de simple remplacement des capacités présentes et de l’externalisation parfois accrue des fonctions de l’entreprise.

M. René Vandierendonck. Très bien !

M. Éric Bocquet. Il n’est pas certain que l’économie, en général, et les territoires, en particulier, trouvent leur compte dans cette affaire.

Le retour à une taxation du capital matériel de l’entreprise et l’extension de l’assiette aux actifs financiers, en qualité d’instrument de solidarité et de péréquation, s’apparentent à une nécessité. Ces ressources financières épuisent l’économie créatrice d’emplois ; ce n’est que justice qu’elles contribuent à la réalisation et à l’entretien des infrastructures des services dont les entreprises elles-mêmes ont besoin !

De la même manière, nous devons tirer toutes les conséquences des expérimentations en cours pour ce qui concerne la réforme des impositions locales, notamment en matière de valeurs locatives cadastrales des bâtiments destinés à l’habitation, mais aussi de ceux qui sont dévolus aux activités économiques.

La justice fiscale et sociale doit être la pierre angulaire des constructions intercommunales actuelles et à venir.

Tout autre choix ne ferait qu’aggraver les difficultés financières des collectivités et, par voie de conséquence, l’incompréhension et le ressentiment de nos concitoyens, qui, dans un sondage réalisé la semaine dernière, à l’occasion du congrès des maires de France, ont réaffirmé leur attachement très fort aux entités communales. Il ne faut jamais l’oublier !

Retour en haut