Le juge doit pouvoir apprécier la cause réelle et sérieuse d’un licenciement économique

La jurisprudence admet depuis longtemps la possibilité de licencier pour des motifs liés à la réorganisation de l’entreprise. Il est également possible pour les juges de vérifier les difficultés économiques, mais le contrôle de la cause réelle et sérieuse s’opère au cas par cas. Les juges s’appuient sur des « baisses importantes de chiffres d’affaires plusieurs années de suite », des « difficultés économiques caractérisées par d’importantes pertes financières », et non sur des critères aussi restrictifs que ceux qui sont déclinés dans cet article.

Le système de liste de critères en matière de licenciement pose problème puisque, contrairement à la libre appréciation des difficultés économiques « importantes » par le juge, la liste, telle qu’elle est posée ici, la limite nécessairement.

Nous pensons que le juge doit pouvoir apprécier la cause réelle et sérieuse d’un licenciement économique au cas par cas en fonction du droit et de la jurisprudence en vigueur et que tout ce qui le contraint va à l’encontre des droits des salariés. Nous montrerons d’ailleurs que les possibilités de détournement des critères qui sont ici posés permettront à un groupe rentable de licencier pour le seul bénéfice des actionnaires.

Concernant le périmètre des licenciements économiques, c’est le monde à l’envers ! Comme l’ont fait valoir Pascal Lokiec et Dominique Méda dans un article de Mediapart : « Ce qui doit absolument être évité, c’est le jeu auquel se livrent les entreprises transnationales qui mettent les territoires nationaux en compétition les uns avec les autres et souhaitent bénéficier de la plus grande liberté pour quitter un pays et aller s’installer dans un autre où les coûts du travail et la législation sont plus intéressants. On sait qu’il est très facile d’organiser le déclin d’une filiale. Regarder ce qui s’est passé avec Goodyear ou Continental… »

En réduisant le périmètre d’appréciation du licenciement économique, on accepte cette idée délétère selon laquelle le droit du travail serait un frein à l’investissement étranger en France. Avec le rétrécissement du périmètre et des conditions du motif économique du licenciement, un groupe florissant pourra licencier les salariés de sa filiale française en invoquant une baisse de commandes ou du chiffre d’affaires de sa filiale française. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle est parvenu Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière. Il écrit au sujet de cet article 30 : « Le licenciement économique pose le problème du périmètre national ou international, car une des entreprises sait mettre un établissement en difficulté par des prix de transfert, des fonds propres… »

Voilà en effet une réalité vécue couramment sur nos territoires. Cela est inacceptable ! Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

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