Quelles réponses pour l’hôpital public dans le Pas-de-Calais ?

Quelles réponses pour l'hôpital public dans le Pas-de-Calais ? - Lettre ouverte à la Ministre de la Santé (Cottonbro - https://www.pexels.com/fr-fr/@cottonbro)

Madame la Ministre,

Depuis mon élection comme Sénateur du Pas-de-Calais en 2011, je ne cesse d’être interpellé sur la situation financière parfois critique des hôpitaux publics et semi-publics de mon département.

Pour ne prendre comme exemple que le territoire de l’ex-Bassin-Minier, les élus ont été alertés successivement par les déficits récurrents de l’AHNAC, du CH de Lens, du CH d’Hénin-Beaumont, et maintenant, c’est l’annonce d’un déficit de 10 millions d’euros au Centre Hospitalier de Béthune-Beuvry !

Certes des erreurs de gestion anciennes ont été relevées à l’AHNAC ou au Centre Hospitalier de Lens (mauvaise utilisation de la tarification à l’activité). Certes ces erreurs ont été corrigées et les déficits réduits, mais à quel prix pour les usagers et le personnel !

Il n’en reste pas moins que le déficit des hôpitaux publics est aussi un phénomène structurel qui tient à mon avis à deux causes principales.

1/ L’absence de démocratie sanitaire

Depuis la loi Bachelot, tout le pouvoir au sein des établissements hospitaliers a été transféré aux Directeurs d’établissements. Le Conseil d’Administration, autrefois présidé par le maire de la commune ou son représentant a été remplacé par un Conseil de Surveillance, présidé par le Directeur d’Etablissement, dans lequel les membres (élus, représentants des personnels, des usagers,...) ne reçoivent que des informations partielles parfois même erronées sur lesquelles ils ne peuvent émettre que des avis. C’est cette situation de vide démocratique qui a permis aux Directeurs d’alors du CH d’Henin-Beaumont et à celui du CH de Béthune-Beuvry d’engager des travaux disproportionnés, car pas assez accompagnés financièrement, pour des activités médicales qui n’avaient parfois même pas reçu l’aval de l’ARS ! Ce sont ces décisions autocratiques qui ont fait exploser les déficits : construction de 3 étages inutilisés à Béthune, nouvel équipement psychiatrique à Hénin,…

Madame la Ministre, vous le savez, au final ce sont les usagers et les personnels qui en paient les frais ! Ainsi à Béthune, non remplacement des départs en retraite, suppressions de postes, et à Hénin, réduction du service de diabétologie, non reconduction de CDD, arrêts des projets… Quand allez-vous enfin abroger la loi HPST de Madame Bachelot et de la droite qui conduit à ces situations ?

D’autre part, dans ces deux cas, démonstration a été faite aussi de l’incapacité de l’ARS d’exercer sa mission première, qui est d’encadrer et d’accompagner le secteur hospitalier ?

Là aussi, il serait urgent de dépasser le statut quo que vous avez défendu jusqu’à présent en matière de gouvernance, au nom d’un soi-disant « besoin de stabilité des ARS » (débat au Senat du 11/06/14), alors que d’évidence à l’inverse de la logique actuelle, il y aurait nécessité de redonner tout son sens à la démocratie sociale et sanitaire, particulièrement :
  en donnant des pouvoirs de contrôle aux Conseils de surveillance des ARS et en mettant en place à tous les échelons territoriaux des Conseils démocratiquement élus et dotés de réels pouvoirs de co-élaboration des décisions sanitaires ;
  en rétablissant de véritables Conseils d’Administration dans les Etablissements Hospitaliers dotés d’un droit de véto, à tout le moins, d’alerte auprès des ARS ou des COPERMO sur les projets d’investissement douteux.

2/ en second lieu, (mais je sais que nous ne serons pas d’accord), je considère que les déficits récurrents des hôpitaux publics, leur endettement parfois inquiétant, résultent pour l’essentiel d’une évolution de leurs ressources encadrée strictement par votre gouvernement et largement inférieure aux besoins. C’est pourquoi je continue à combattre les cures d’austérité à répétition qui sont infligées à l’hôpital public et qui sont encore plus insupportables dans notre Région qui bat tous les records de surmortalité évitable et attend au contraire des mesures de rattrapage.

Ainsi, alors que tous les experts s’accordent à dire que le vieillissement de la population, les progrès scientifiques et technologiques, la reconnaissance de l’ancienneté et de la qualification des personnels exigeraient une augmentation des dépenses hospitalières de 3% au minimum, vous n’avez eu de cesse, dans le prolongement des mesures prises par la droite, de réduire l’Objectif National des Dépenses D’Assurance Maladie en faisant porter la totalité des efforts sur l’hôpital public. Ainsi le taux d’évolution est passé de 2,5 à 2,1% en 2015, et même 1,75% en 2016 et probablement aussi en 2017 !

Je vous demande donc solennellement de prendre enfin acte des difficultés engendrées par cette camisole de force budgétaire. D’autres choix sont possibles, par exemple en remettant en cause le Pacte de Compétitivité et le CICE (au moins pour le secteur bancaire-assurantiel et de la grande distribution), en mettant en place un vrai plan de relance de l’emploi stable dans notre pays, en imposant l’égalité homme-femme sur les salaires par exemple, toutes mesures susceptibles de redonner des marges financières à l’État et à la Sécurité Sociale.

Dans l’attente de lire votre réponse et de vous entendre lors du débat sur le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2017, et restant mobilisé aux côtés des acteurs de santé pour une nouvelle approche de l’hôpital public, veuillez recevoir, Madame la Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.

Dominique WATRIN
Sénateur du Pas-de-Calais

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