Trop souvent, les multinationales refusent d’assumer leurs responsabilités sociale et environnementale

Trop souvent, les multinationales refusent d'assumer leurs responsabilités sociale et environnementale - Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (deuxième lecture)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avions indiqué en première lecture, la multiplication de crises environnementales ou sociales impliquant des acteurs liés par leur activité économique impose de penser de nouvelles modalités d’encadrement et de régulation du pouvoir des chaînes de valeur toujours plus complexes.

Trop souvent les multinationales, en plus d’essayer de ne pas se soumettre à l’impôt, souvent avec succès, refusent tout simplement d’assumer la responsabilité sociale et environnementale, civile et pénale de leurs activités. Elles créent des filiales avec des liaisons opaques, qui recourent à une cascade de sous-traitants et se cachent derrière l’autonomie de la personne juridique lorsqu’une catastrophe humaine ou environnementale survient.

Comment, dès lors, remonter la chaîne des sous-traitants et des fournisseurs dans les approvisionnements ? Comment « responsabiliser » les sociétés mères à l’abri de leurs montages juridiques ? C’est bien l’objet de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui.

À cet égard, nous ne pouvons que saluer le travail et la ténacité de nos collègues députés – M. le ministre a fait référence, à juste titre, à M. Dominique Potier –, qui ont eu le courage de proposer des solutions novatrices, même s’il nous semble possible d’aller plus loin vers la reconnaissance d’une responsabilité particulière des entreprises donneuses d’ordre. En effet, à l’origine de ce débat, la proposition de loi dont nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine étaient cosignataires avait un champ d’application plus large, en termes tant de seuil que de définition de la chaîne de valeur, avec un renversement de la charge de la preuve qui facilitait la mise en jeu de la responsabilité et la qualification de loi de police.

C’est pourquoi nous regrettons sincèrement la frilosité, voire la cécité de la majorité sénatoriale sur ces enjeux majeurs.

Car le devoir de vigilance, tel qu’il était initialement envisagé, constitue un vrai pas en avant en recourant à une définition de la notion de groupe plus proche de la réalité. En effet, le groupe n’est plus envisagé uniquement sous l’angle d’un pouvoir effectif de contrôle, mais aussi sous l’angle élargi d’une sphère d’influence. Comme le suggère la norme ISO 26 000, il s’agit de s’intéresser à l’impact et aux risques potentiels qu’un acteur économique peut entraîner, plutôt qu’à son espace de contrôle et d’exercice direct du pouvoir.

Nous comprenons d’autant moins la position de la commission que, comme il a été rappelé lors des précédents débats, ce texte est au service de la compétitivité des entreprises. Nous le maintenons, loin de les fragiliser, il permettra de valoriser les efforts des sociétés vertueuses qui appliquent déjà des procédures d’identification et de réduction des risques. Il rétablira des conditions de concurrence plus justes en sanctionnant le dumping social et environnemental. Et, comme je l’ai déjà souligné, cette proposition de loi constitue un pas supplémentaire dans la lutte, chère à mon collègue Éric Bocquet, contre les paradis fiscaux, la fraude fiscale, car il impose plus de transparence ; elle vise à lutter contre la corruption.

Dans un premier temps, en première lecture, la majorité du Sénat avait purement et simplement supprimé le texte, refusant de fait toute idée de responsabilité.

Nous pouvons constater maintenant que les amendements proposés par le rapporteur en commission, s’ils sont très en deçà du texte issu de l’Assemblée nationale, acceptent, d’une part, le principe selon lequel la prise en compte des droits humains et des libertés fondamentales dans l’activité économique est absolument nécessaire et l’effondrement du Rana Plaza n’est pas un détail de l’histoire et, d’autre part, le fait que l’activité économique et commerciale peut entraîner des risques sociaux, environnementaux et de corruption et qu’il est bien de la responsabilité des entreprises de les prévenir par des actions connues et vérifiables. Enfin, ils acceptent l’idée de responsabilité du donneur d’ordre sur la chaîne de valeur. C’est une conversion que je voulais saluer, chers collègues de la majorité sénatoriale, même si le discours du rapporteur demeure particulièrement navrant, notamment dans sa première partie.

M. Yannick Vaugrenard. Je le confirme !

Mme Évelyne Didier. Pour autant, nous savons combien les belles intentions ne suffisent pas. Nous savons comment les entreprises tentent d’échapper à leurs responsabilités.

C’est la raison pour laquelle nous jugeons cette proposition de loi totalement insuffisante. Nous voterons donc contre ce texte qui, s’il reste en l’état, ne peut pas nous satisfaire.

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