Est-ce que les logements construits autour des gares permettront de répondre à la demande des salariés et des Franciliens ?

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat pose la question du sens que nous souhaitons donner à la construction métropolitaine. Il s’agit de savoir si cette construction urbaine et politique permettra de résorber les inégalités ou, au contraire, si les écarts vont s’aggraver. Le défi démocratique, social, environnemental et économique est donc immense.

Nous avions déjà souligné à l’époque de la discussion de la loi 2010 que la création du Grand Paris Express dépassait largement la simple question des transports. Nous avions raison ! Il aura fallu l’implication des élus et des Franciliens pour que ce projet, imaginé au départ comme un transport de pôle à pôle au service des intérêts financiers, devienne réellement un projet de transport au service des populations.

Le même type de difficulté apparaît aujourd’hui sur la problématique du logement. Les logements construits autour des gares permettront-ils de répondre à la demande des salariés, de leurs familles, des Franciliens, ou bien laisserons-nous les promoteurs immobiliers proposer des produits de haut standing ?

Nous considérons qu’il est important de maîtriser le développement urbain, notamment dans la région capitale où la tension est très forte. Avec notre proposition de loi, nous ramenons l’obligation de mixité, déjà définie par le SDRIF, à une échelle très fine où les enjeux se posent de manière plus sensible, puisque ces lieux seront le socle de politiques de renouvellement urbain importantes.

Permettez-moi d’évoquer en quelques mots les Hauts-de-Seine. Ce département, dont je suis élue, cache de très grandes disparités : si Nanterre, Bagneux ou Gennevilliers dépassent le taux de 50 % de logements sociaux, des villes comme Neuilly-sur-Seine ou Vaucresson restent en deçà de 10 %. C’est le cas également dans les périmètres de certaines gares, comme celles de Bois-Colombes – 9,2 % – ou de La Garenne Colombes – 9,8%. Nous demandons évidemment le renforcement des sanctions contre les maires qui ne respectent pas les obligations de la loi SRU, mais cela ne suffit pas !

En effet, y compris dans les villes où il existe déjà une forte proportion de logements sociaux, la demande reste importante et les bouleversements urbains à venir imposent l’adoption de règles spécifiques.

Selon la Confédération nationale du logement, la CNL, il y aurait 85 000 demandeurs de logement dans mon département, dont 2 700 au titre du droit au logement opposable. À Bagneux, où l’offre de logement est importante, 2 500 personnes demeurent en attente d’un logement social. Pour cette raison, la ville continuera de construire du logement social, y compris dans le périmètre de la gare : la municipalité prend l’engagement politique fort de garantir le droit au logement pour tous et toutes.

À l’inverse, la commission des affaires économiques considère qu’il faudrait limiter la construction dans les communes qui connaissent déjà un fort taux de logements sociaux. C’est la même logique qui est appliquée par la région, où les financements sont refusés aux communes qui dépassent le seuil de 30 % de logements sociaux.

Dans ces communes, les opérations de renouvellement urbain autour des gares conduiront donc à repousser la population, puisque, faute de financements, collectivités et bailleurs seront amenés à céder la place à la promotion privée. Sous couvert de politiques anti-ghettos, ce sont en réalité des politiques antisociales qui sont menées. En effet, l’entre soi des quartiers huppés n’est jamais un problème ni pour la majorité régionale ni pour la majorité sénatoriale !

La volonté de ne pas construire de logements sociaux est confirmée à Clamart, où le maire prévoit de bâtir, sur 2,5 hectares, des immeubles néo-haussmanniens avec mansardes, fer forgé et crépi rose, évidemment inaccessibles aux plus démunis, alors même que le taux de logements sociaux atteint péniblement 13,5 % dans le périmètre de la nouvelle gare.

Ces phénomènes ne touchent pas que les Hauts-de-Seine. Plusieurs villes utilisent ce projet pour modifier les équilibres de population. Ainsi, un quartier de 720 logements serait créé à proximité de l’une des deux futures gares du Blanc-Mesnil. Cet ensemble de 50 000 mètres carrés ne comporterait que 6 % de logements sociaux.

Face à ces comportements, nous proposons d’agir efficacement. Nous pensons qu’il convient d’en finir par tous les moyens avec le logement cher qui pénalise les Franciliens qui subissent durement la crise, comme en témoigne la hausse exponentielle du nombre des sans domicile fixe.

Pour cela, tout est bienvenu : la signature de chartes concernant la construction privée afin de ramener les loyers à un niveau raisonnable, mais également en imposant la présence de logements réellement accessibles dans toute nouvelle construction. Se loger ne doit pas être un luxe, c’est un droit !

Là aussi, notre approche diffère de celle de la majorité sénatoriale, comme en ont témoigné nos débats lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté au cours duquel a été « détricotée » la loi SRU.

Nous souhaitons que la règle de construction soit définie par la loi et qu’elle ne soit pas laissée à la seule liberté contractuelle, conduisant à la définition de droits à géométrie variable. Nous proposons donc d’adopter des dispositions spécifiques dans un périmètre où les risques de ségrégation sont importants, en considérant que ce rôle incombe au législateur.

Pour rendre cette obligation réalisable, il est impératif que le Gouvernement garantisse parallèlement des moyens aux collectivités, par les dotations globales de fonctionnement et les aides à la pierre. Malheureusement, ces deux postes sont encore en baisse dans le projet de loi de finances pour 2017.

D’autres pistes de financement existent, notamment par la suppression des dispositifs d’exonération fiscale, comme le dispositif « Pinel » qui coûte 360 millions d’euros au budget de l’État.

Il y a urgence absolue à répondre aux 3,8 millions de personnes qui souffrent du mal logement et aux 672 000 Franciliens qui sont encore en attente d’un logement social. Il y a aussi urgence à définir les règles qui permettront aux catégories populaires de rester demain en centre urbain, confirmant ainsi le droit à la ville pour tous.

Tel est l’objet de cette proposition de loi que les membres du groupe CRC la soutiendront.

Retour en haut