Les « Sages » ne sont pas très sages

Chronique parue dans Liberté Hebdo.

Chacun a pu entendre parler du Conseil Constitutionnel. C’est une institution française créée par la Constitution de la 5e République, son rôle principal est de veiller à la conformité des lois et règlements votés par le Parlement et l’Exécutif, il veille au grain au cas où le Parlement viendrait à dévier du droit chemin.

Le Conseil Constitutionnel est composé de neuf membres, trois sont nommés par le Président de la République, trois par le Président du Sénat et trois autres par le Président de l’Assemblée nationale. Autant dire que cette instance n’a pas de réelle assise démocratique… les anciens Présidents de la République en font partie d’office.

Ce Conseil Constitutionnel vient de décider la semaine dernière de retoquer la création, demandée par le Parlement, d’un registre public des bénéficiaires des trusts ayant des conséquences fiscales en France, les « Sages », c’est ainsi qu’on les appelle, ont estimé en effet que ce registre portait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée. En gros, laissez-nous frauder le fisc en paix.

Les « Sages » de la rue Montpensier ont considéré que la mention des noms dans un registre accessible au public fournit des informations sur la manière dont une personne entend disposer de son patrimoine, il en résulte une atteinte à la vie privée.

Quelques mois après les révélations fracassantes de Panama Papers, cette analyse est tout simplement hallucinante.

Je me suis donc enquis de savoir qui étaient les neuf membres de cette instance « indépendante ». Les voici : Laurent Fabius, Valéry Giscard-dEstaing, Michel Charasse (nommé par N. Sarkozy en 2010), Lionel Jospin et d’autres moins connus parmi lesquels un certain Monsieur Michel Pinault dont le parcours professionnel est somme toute assez évocateur, HEC, ENA, nommé en 2016 par le Président du Sénat, membre du Conseil d’État puis à partir de 1991 Monsieur Pinault reprend le groupe UAP et s’y occupe des affaires juridiques et fiscales. De 2005 à 2007, il est membre de la Commission des infractions fiscales, celle-là même qui instruit les dossiers de fraude fiscale avant de les transmettre éventuellement au ministre du Budget pour poursuite.

Haut fonctionnaire, responsabilités de premier plan au sein de grandes institutions financières privées : la sensibilité aux questions de la transparence sur les trusts, summum de l’opacité, ne peut être la même que celle des lanceurs d’alerte par exemple.
République, ressaisis-toi !

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