Développement des territoires ruraux (deuxième lecture) : massifs montagneux

par Annie David

Monsieur le président,
Monsieur le ministres,
Chers collègues,

Un peu moins d’un an s’est écoulé depuis la première lecture de ce texte dans notre hémicycle, soit le temps pour nos montagnes de vivre à nouveau le cycle naturel, immuable, des saisons, face à l’agitation permanente de notre civilisation…

Nous avons terminé la première lecture au mois de mai, saison pendant laquelle nos massifs reprennent des couleurs, celles du printemps, vous l’aurez compris, mais aussi celles des tenues vestimentaires des premiers randonneurs, qui viennent se ressourcer sur nos sentiers, à la recherche d’un moment de plaisir intense, plaisir chaque année recommencé, et qui pourtant parait chaque année un émerveillement nouveau !

C’est aussi le moment où les bergers préparent le retour des bêtes dans les alpages, et pour eux, cette année sera la même que l’an dernier. Le plan loup du ministère de l’environnement leur apportera sans doute une aide, mais rien n’est fait pour une réelle revalorisation de leur métier, pour une réelle reconnaissance de leur activité dans nos alpages. Nous n’avons pour autant pas redéposé d’amendements, sachant par avance le sort qui leur serait réservé.
Après le printemps, l’été verra les vacanciers plus nombreux emprunter les différents équipements mis à leur disposition. Ils vont découvrir de nouveaux sites, traverser les alpages, croiser des troupeaux et des bergers, apercevoir des animaux sauvages, bivouaquer, sous une tente ou dans des refuges, enfin bref, ils passeront d’agréables moments dans nos massifs, grâce au travail accompli par les différents acteurs du secteur économique et touristique de nos territoires.

Il est regrettable à ce propos, que les travailleurs saisonniers n’aient pas pu obtenir davantage de reconnaissance, les députés étant revenus sur les quelques avancées votées par notre assemblée.
Pourtant, si nos territoires connaissent leur développement actuel, c’est aussi grâce à ces femmes et à ces hommes qui travaillent de manière saisonnière, que ce soit en montagne ou en bord de mer, ou encore en plaine, lorsqu’il s’agit de ramasser les fruits et légumes, ou lorsqu’il s’agit des vendanges !
Là encore, nous n’avons pas redéposé d’amendement, mais je tenais à réaffirmer le travail important qu’ils effectuent.

Cet été passera donc sans grands bouleversements dans nos massifs et laissera la place à l’automne, saison pendant laquelle les montagnards pourront se compter, l’ensemble des activités touristiques étant au point mort. Ce sera aussi l’occasion de réellement tester ce texte sur le terrain. Malheureusement, elle confirmera, sans aucun doute, la désillusion de l’automne 2004, après le vote en 1ère lecture.
Enfin, le manteau blanc de l’hiver s’abattra sur nos sommets, attirant cette année encore des milliers de touristes, avides de chausser leurs équipements de neige !
Mais il faudra qu’ils grimpent un peu plus haut, la neige se faisant de plus en plus désirer !

Quant aux stations de moyenne montagne, qui elles ne pourront grimper davantage, bien peu de solutions leur sont proposées. Déjà en ce mois de janvier, certaines d’entre elles voient leur niveau d’enneigement insuffisant pour répondre à la demande, et rien, en ce qui concerne la pluriactivité touristique véritablement novatrice, n’est inscrit dans votre texte. Seules quelques dispositions fiscales sont proposées pour le développement des villages vacances, ce qui est un plus, mais pour quelles activités touristiques ? Le logement des saisonniers, quant à lui, est à peine touché du doigt…

Au final, ni les élus, ni la population n’auront vraiment été entendus dans ce texte, qui ne leur apporte aucune solution concernant l’aménagement harmonieux de nos massifs.

C’est en tout cas ce qu’il me revient des rencontres que j’ai avec les habitants et les élus de mon département l’Isère, département qui se caractérise par la richesse et la diversité de ses massifs et de ses territoires, et dans lequel ce texte de loi peut être confronté à toutes les réalités qu’il aborde.
Aussi, sans surprise, les Isérois ont fait briller deux feux rouges majeurs qui persistent dans ce projet de loi.

Le premier concerne l’accès aux technologies de l’information. Personne ne conteste aujourd’hui que ce soit un enjeu vital pour ces territoires, tant en terme d’attractivité, de compétitivité que de leur désenclavement. Selon la DATAR, la connexion permanente et le haut débit était, fin 2002, accessible à 74% de la population française, mais cette population est concentrée sur seulement 21% du territoire.

Cette « fracture numérique » va les impacter lourdement, la DATAR prévoyant de nombreux départs de PMI/PME. Idem en matière de téléphonie mobile : la moitié des zones non couvertes se trouvent au-dessus de 700 mètres d’altitude.
Des mesures gouvernementales et locales sont en cours, mais aucune ne donne les moyens aux communes rurales de s’équiper équitablement : vous parlez d’outils mis à leur disposition mais vous ne leur permettez pas de les acquérir !
Pour exemple, l’aménagement numérique des territoires est dorénavant une compétence des collectivités territoriales, puisque le parlement a voté l’article L 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

Elles obtiennent ainsi le droit d’établir et d’exploiter librement des réseaux de télécommunications et d’offrir des services au public, mais elles sont in fine mises à contribution pour suppléer les carences de l’initiative privée et de l’Etat, faisant ainsi peser sur le contribuable local les frais d’installation des infrastructures.
Pourtant, un opérateur public de télécommunication historique existait. La privatisation de France Télécom a créé un vide dès lors que l’ensemble des opérateurs privés ne veut pas investir, ni s’investir dans les zones non rentables.
Si l’accès haut débit par satellite est une solution pour tous les sites isolés, il est à signaler que son coût reste encore quatre à cinq fois plus élevé que l’ADSL.
A ce titre, nous avons déposé un amendement qui apporte une réponse. J’espère qu’il trouvera un écho favorable au sein de cette assemblée.
La perspective d’une « France à deux vitesses », ou celle de « fractures territoriales », dont une bonne illustration est entre autre cette « fracture numérique », devient réalité !

Cela m’amène à énoncer le second feu rouge, et non le moindre, puisqu’il s’agit de la lente érosion des services publics dans ces territoires.
Mais mon collègue Gérard Le Cam l’a déjà dénoncé dans son intervention générale, je ne reprendrai donc pas son argumentation qui est tout aussi valable pour les territoires de montagne, tout particulièrement en ce qui concerne les établissements scolaires !

J’insisterai simplement pour dire de nouveau que le gouvernement, avec ce texte, accentue cette érosion et met à mal les fondements même du service public, élément fort du pacte social ; je vous rappellerai la disposition législative qui permettait un tant soit peu de freiner ce processus, imposant à l’Etat d’engager une étude d’impact et une concertation locale avant toute fermeture de services publics, disposition supprimée par la promulgation du décret 2004-374,

Au-delà des moyens nécessaires au maintien des services publics, il existe d’autres solutions.
Ainsi, en première lecture, j’avais déposé un amendement tendant à créer des régies de territoire, qui répondent à des besoins identifiés d’intérêt général, en offrant la possibilité d’associer les différents acteurs du territoire au sein d’une structure de services dont la vocation est double : faire émerger les besoins et organiser une réponse solvable.

En ce sens, elles favorisent la création d’emploi dans les territoires ruraux et renforcent leur attractivité. En contrepartie d’une garantie d’affectation intégrale des financements publics au développement de la régie, un cadre spécifique de financement par les collectivités locales est mis en place et la forme juridique qui lui est associée est celle d’une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif).
En septembre 2003, le CIADT en a posé le principe, par une expérimentation, actuellement en cours, pilotée par la DATAR et la Caisse des Dépôts et Consignations, à laquelle participent vingt territoires, dont le pays du Grésivaudan dans mon département.

Votre texte offre un support adapté pour tirer les leçons de ces expériences et proposer un cadre législatif à ces régies. Je regrette profondément que cette proposition, qui pourtant fait l’unanimité des acteurs locaux de mon département, n’ait pas suscité l’attention qu’elle mérite.
J’espère, que la conférence nationale de la ruralité pourra en débattre, à partir du bilan de ces expérimentations.

Aussi, monsieur le ministre, chers collègues, après ce tour rapide de nos massifs, tout au long de ces quatre saisons, vous l’aurez compris, le groupe communiste citoyen et républicain ne votera pas ce texte.

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