Il nous semble logique d’y regarder d’un peu plus près

Il nous semble logique d'y regarder d'un peu plus près - Accord multilatéral sur l'échange des déclarations pays par pays (Pixabay)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà seulement quelques semaines, plusieurs membres de la Haute Assemblée saisissaient le Conseil constitutionnel sur le contenu de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », notamment sur les articles concernant la publicité relative accordée au report des états comptables par pays d’implantation des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros.

Cette mesure, déjà applicable au secteur bancaire et financier depuis la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, était notamment contestée au motif que, selon les députés et sénateurs requérants, « les dispositions de l’article L. 225-102-4 du code de commerce méconnaissent la liberté d’entreprendre dès lors qu’elles contraignent les sociétés françaises à divulguer au public des informations de nature à révéler leur stratégie commerciale ».

Par ailleurs, pour faire bonne mesure, les sénateurs requérants soutenaient également que « l’obligation ainsi instituée fait peser sur les sociétés qui y sont soumises une charge excessive contraire au principe d’égalité devant les charges publiques ».

Rappelons tout de même qu’il s’agit d’entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros : on est très loin de la PME locale.

Les sages de la rue de Montpensier n’ont pas remis en question la volonté de lutter contre la fraude fiscale, objectif de valeur constitutionnelle, mais ils se sont tout de même permis une petite entorse au principe en indiquant, pour justifier la censure de l’article, que « l’obligation faite à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays est de nature à permettre à l’ensemble des opérateurs qui interviennent sur les marchés où s’exercent ces activités, et en particulier à leurs concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale. Une telle obligation porte dès lors à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. »

Au regard des arguments invoqués et du texte dont nous débattons aujourd’hui, on constate que 200 sociétés mères et 1 200 filiales, constituant l’essentiel de l’économie de notre pays, de sa valeur ajoutée, de son produit intérieur brut et de son commerce extérieur, seront directement concernées. Le régime fiscal des groupes est une « dépense fiscale » essentielle du droit français.

Il nous semble donc logique d’y regarder d’un peu plus près. Le jugement rendu la semaine dernière dans l’affaire Wildenstein rappelle combien il est nécessaire de mieux armer le Parlement sur ces questions. Le tribunal a en effet précisé qu’il n’avait pas à se substituer au législateur et à pallier les silences de la loi. Mes chers collègues, nous sommes le législateur. Il nous reste encore de grands progrès à accomplir, mais nous voterons ce texte.

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