Une fausse bonne idée

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nous l’avions souligné en première lecture, nous pensons toujours que la promotion de l’autoconsommation, telle qu’elle est proposée par ces ordonnances, est une fausse bonne idée.

Ses promoteurs la présentent comme une solution pour le développement des énergies renouvelables et mettent en avant le fait qu’elle permettrait de soulager la CSPE, la contribution au service public de l’électricité, acquittée par les usagers, et de limiter par exemple l’impact sur le réseau de distribution.

Nous pensons au contraire que ces ordonnances brouillent les enjeux en mélangeant délibérément autoconsommation et autoproduction. L’autoconsommation existe dans notre pays, un mouvement commençant à émerger de façon non négligeable en France.

Nous ne pouvons nier qu’un encadrement juridique de cette autoconsommation est nécessaire, mais il y a dans le texte un glissement subtil vers l’autoproduction, puisque ledit autoconsommateur pourra aussi injecter et vendre son surplus de production, sans être l’objet de contraintes et de coûts disproportionnés. Celui-ci conserve le bénéfice des droits des consommateurs, et ne doit pas être qualifié de fournisseur d’énergie à l’occasion d’opérations de vente d’électricité. Il peut recevoir une rémunération, étant entendu que cette dernière doit être calculée à partir de la valeur de cette électricité sur le marché, quand bien même il aurait reçu des aides, puisqu’il s’agit d’énergies renouvelables. Sur l’autoconsommation collective, des logements ou des centres commerciaux pourront ainsi produire leur propre électricité et la vendre.

Il y a donc bien pour nous une volonté délibérée de démantèlement d’un modèle centralisé ayant démontré son efficacité dans le passé qu’il s’agit, une sorte de retour au début du siècle dernier, qui, sous couvert de transition énergétique, va sans nul doute aboutir à la remise en cause de l’égalité d’accès à l’énergie sur l’ensemble de notre territoire, de l’égalité de traitement des usagers, ainsi que de ses tarifs réglementés, lesquels sont, il faut le rappeler, une forme de contrepartie à l’acceptation par nos concitoyens du choix de la production nucléaire. Pour nous, c’est d’une véritable remise en cause du contrat social énergétique qu’il s’agit.

Comme le titrait hier le journal Les Échos, les entreprises, dont des pseudo-start-ups, sont dans les starting-blocks. Nous sommes loin, avouez-le, d’un modèle familial d’autoconsommation… Il s’agit ni plus ni moins que de créer un nouveau marché. Manifestement, nous n’avons pas appris des écueils et des abus du développement du solaire ou encore de l’éolien : mauvais choix stratégiques, sans véritable pilotage ni planification, qui ne nous ont pas permis de véritablement diversifier notre mix énergétique.

Pourtant, comme nous l’avons encore rappelé hier, ici même, avec notre question d’actualité au Gouvernement, nous pensons toujours que EDF, RTE et ERDF doivent être les pivots de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables. A contrario, les mesures de destruction de ce modèle intégré ne sont que la promotion de la création de nouveaux marchés factices et éphémères.

À nos yeux, et nous l’avons dit et répété au cours de cette législature, les marchés et le recours exclusif au secteur privé, avec sa logique de profit à court terme, ne peuvent nous permettre de nous hisser à la hauteur des enjeux de la transition énergétique, qui nécessitent des temps longs et d’importants investissements publics, ni d’avoir un véritable service public national de l’énergie. Toutefois, c’est sans doute toute la philosophie de ces ordonnances : casser la notion même de service public national !

L’autoconsommation promue par les différentes ordonnances remet en cause la notion de bien public et fait de l’énergie un bien privé. La promotion de l’autoconsommation, telle qu’elle est présentée, n’est rien d’autre que cela.

Nous avions déjà, lors des débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, souligné la nécessité de faire de la transition énergétique une priorité réelle de la politique économique et budgétaire de la Nation.

Plutôt que d’y consacrer les moyens nécessaires, le Gouvernement et sa majorité ont largement misé sur le soutien à l’initiative privée, en s’inscrivant dans une démarche d’ensemble tendant à la privatisation du secteur de l’énergie : renforcement du marché de capacité ; renforcement du marché de l’effacement au profit de monopoles privés ; privatisation du secteur historique de l’hydroélectricité ; soutien financier actif aux opérateurs privés du secteur des énergies renouvelables. Quant au gouvernement précèdent, il avait fait adopter la loi NOME… Cette politique conduit à offrir à de grands industriels des rentes confortables, sans que cela réponde à un quelconque objectif d’intérêt général.

C’est pourquoi, en toute cohérence avec les positions constantes qui sont les nôtres, nous ne voterons pas ce projet de loi.

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