Interdiction en milieu professionnel des éthers de glycol toxiques pour la reproduction

par Roland Muzeau

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers Collègues,

Ma question porte sur la stratégie du gouvernement concernant la protection des travailleurs exposés couramment à des éthers de glycol dont la toxicité sur la santé humaine est établie.

Comme l’a révélé récemment le premier procès mettant en cause l’utilisation de ces substances chimiques en milieu professionnel, les victimes de ces expositions sont certes des salariés - parents ayant donné naissance à des enfants mal formés ou atteints dans leur capacité reproductive, mais également et plus directement la progéniture de ces derniers, faisant apparaître là, le caractère structurant des questions de santé au travail sur la santé publique, la présence du ministre de la santé aurait été la bienvenue.

Je n’ose pas penser qu’après notamment le drame sanitaire de l’amiante, le scandale des fibres minérales utilisées en remplacement, les pouvoirs publics continuent de traiter avec « légèreté » le dossier des éthers de glycol.

L’argument tiré des connaissances imparfaites sur les risques liés à l’utilisation de cette famille de solvants , n’est pas recevable. Dans l’affaire de la vache folle, fort heureusement, les pouvoirs publics n’ont pas attendu LA PREUVE absolue pour agir. Comment expliquer que le principe de précaution ne s’applique pas au monde de l’entreprise, si ce n’est parce que là, les intérêts économiques, la rentabilité industrielle et financière prévalent sur l’humain et les enjeux de santé publique ?
Voilà maintenant plus de 20 ans que les premières alertes ont été lancées de l’étranger. La reprotoxicité des éthers de la série E (dérivés de l’éthylène glycol) a été mise en évidence. Certains de la série P seraient également particulièrement dangereux pour l’homme.

Les résultats de diverses études dont celle de Mr CICOLELLA ont confirmé les risques particulièrement élevés pour les consommateurs et les travailleurs en cas d’utilisation des dites substances.
Au niveau européen, si aucune de ces molécules n’est classée comme reprotoxique de catégorie 1 c’est à dire comme ayant des effets avérés chez l’homme, 9 sont classées en catégorie 2 en raison des effets suspectés chez l’animal.

Découlent de cette classification, des interdictions d’incorporation dans les produits à destination du grand public, des restrictions d’usage, que la France a anticipé et étendu aux produits cosmétiques, produits de santé et produits à usage vétérinaire.

S’ils sont prohibés pour le consommateur, les mêmes éthers de glycol restent autorisés au travail alors que dans ce cadre l’exposition est par nature plus importante.

S’impose donc, une politique de prévention « soft »fondée sur le principe de substitution des éthers toxiques par un agent moins dangereux , sous réserve que cela soit techniquement possible et non plus une politique de prévention primaire, ou les risques sont recherchés et supprimés à la source.
Résultat de cette incohérence en terme de santé publique, en toute légalité, de trop nombreux salariés restent exposés à ces produits extrêmement dangereux dans des secteurs d’activité comme ceux de l’industrie aéronautique, des composants électroniques, de la peinture, du bâtiment …

Les dispositions prévues spécifiquement en direction des seules femmes enceintes à condition que leur grossesse soit connue, lesquelles ne peuvent être exposées à ce type de produits sont elles aussi insuffisantes. En effet, comme le dénonce justement le collectif « éthers de glycols », le risque existe autant pour les femmes que pour les hommes et la toxicité pour l’embryon est réelle dés la conception.
Dans ces conditions, vous comprendrez, Madame la ministre, que je vous demande de me faire savoir les mesures que le gouvernement entend prendre pour véritablement responsabiliser les entreprises, faire évoluer la réglementation concernant les éthers de glycol en milieu professionnel, en l’occurrence en faisant interdire l’utilisation, la commercialisation des substances reprotoxiques.
Demande légitimée par l’évolution des connaissances scientifiques en ce domaine, puisqu’il ne vous aura pas échappé que les résultats d’une des deux études épidémiologiques lancées en 2001, celle évaluant les conséquences sur la fertilité masculine, concluent à l’existence, je cite, « d’une association entre l’exposition professionnelle aux produits contenant des éthers de glycol et une atteinte à la qualité du sperme ».

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