Pour les salariés et leurs familles, pas de stock-options mais des sacrifices

Pour les salariés et leurs familles, pas de stock-options mais des sacrifices - Renforcement du dialogue social (conclusions de la CMP) (Josh Hild - https://www.pexels.com/fr-fr/@josh-hild-1270765)

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord trouvé en commission mixte paritaire ne nous a pas surpris.

La convergence d’idées sur ce texte entre la majorité sénatoriale et la République en marche avait été annoncée par le président Milon, dès l’examen en commission.

Il avait déclaré ne pouvoir « qu’approuver la philosophie de ce texte » et « soutenir résolument la volonté du Gouvernement de libérer les entreprises des contraintes juridiques qui entravent leur développement ». Eh bien, c’est de cela qu’il faut continuer à débattre ! Car nous sommes ici au cœur de ce qui oppose la droite et la gauche, même si nous regrettons qu’une partie de cette dernière l’ait oublié en légitimant la loi El Khomri.

Celle-ci posait pourtant les bases de la destruction du code du travail à laquelle on assiste aujourd’hui.

Nous sommes fiers, au groupe CRC, de n’avoir pas faibli. Et nous serons toujours là, comme nous l’avons encore fait la semaine passée par la voix de notre présidente, pour rappeler les vérités qui fâchent !

Mes chers collègues, qui vous apprêtez à voter les conclusions de la CMP, pouvez-vous au moins nous expliquer en quoi les mesures annoncées dans ce projet de loi d’habilitation seront facteurs d’embauches et « de compétitivité de notre économie », comme l’affirmait aussi Alain Milon ?

Je ne pose même plus cette question au Gouvernement puisque en quarante heures de séance publique la ministre n’a jamais voulu y répondre malgré l’insistance de ceux qui siègent sur les travées de la gauche.

Ce qui est certain, c’est que si les Français s’opposent majoritairement à la philosophie de ce texte, ce n’est pas sans raison ! Ils ont en tête quelques épisodes peu flatteurs pour les partisans du libéralisme économique à tout crin.
Qui ne se souvient pas, en particulier, de Pierre Gattaz, le patron du MEDEF, qui annonçait la création de 1 million d’emplois en contrepartie d’exonérations massives de cotisations sociales ? Les exonérations, elles ont été obtenues avec le CICE, mais où sont les emplois créés ?

Croyez-vous vraiment que les mesures actées par la CMP iront dans le sens d’une modernisation de la démocratie sociale ?

Si vous le pensez, alors, comparez-les aux conquêtes du Front populaire, à celles arrachées par nos prédécesseurs qui ont libéré la France et inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 que « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu’à la gestion des entreprises. »

Vous contournez, quant à vous, les organisations syndicales. Comparez avec le contenu des lois Auroux, qui ont élargi aux conditions de travail les pouvoirs des délégués du personnel, quand vous mettez à genoux le CHSCT !
En réalité, vous inscrivez vos pas dans une offensive libérale, dont le seul but est de sacrifier les droits sociaux et démocratiques des travailleurs et d’empêcher toute action protectrice de l’emploi et des rémunérations, des conditions de travail et de santé dans chaque entreprise.

Un progrès économique, la nouvelle formulation issue de la commission mixte paritaire, qui va permettre à des entreprises – cela a été rappelé –, alors qu’elles sont dans une situation économique florissante au niveau du groupe, de s’appuyer sur le périmètre national pour licencier massivement au seul profit des actionnaires ?

Un progrès social, la réduction du délai de recours devant les prud’hommes en cas de rupture du contrat de travail ?

Un progrès, la définition de plafonds obligatoires d’indemnisation des salariés victimes d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors qu’aujourd’hui une réparation intégrale du préjudice subi peut être obtenue ?

Un progrès social et économique, la généralisation potentielle du CDI de chantier à de nouveaux secteurs d’activité, qui conduira à précariser ceux-là mêmes qui auront un CDI ?

Un progrès, la nouvelle articulation des normes du droit du travail, qui aboutira à confier aux branches ce qui relevait jusqu’à présent de la loi – les contrats courts, par exemple – et affirmera la primauté de l’accord d’entreprise sur les normes conventionnelles et sur le contrat de travail ?

On en connaît à l’avance les conséquences : le licenciement non économique pour un salarié qui refuserait une dégradation de ses droits, et un risque non négligeable de dumping social orchestré par les grands groupes !

Rappelons-le, mes chers collègues, le code du travail est un outil de protection du salarié face à son employeur, pas un instrument d’amplification du chômage ou d’accélération de la rentabilité financière des entreprises.

Et ce n’est certainement pas en retirant des droits aux salariés que vous résoudrez les difficultés, quant à elles très réelles, vécues par les entreprises, en particulier, les plus petites : l’incertitude économique, les délais de paiement, l’accès au crédit bancaire ou les difficultés à recruter du personnel qualifié et compétent.

Oui, je le redis, il y a indigence à penser qu’une amélioration de la productivité pourrait résulter de la réduction des droits des salariés ! Quelle vision à courte vue ! Nous proposons exactement l’inverse, car l’entreprise est aussi un bien commun dont le développement durable nécessite l’adhésion et l’engagement de tous et, en premier lieu, de ceux qui produisent les richesses.

Nous avons, au contraire, la conviction que votre projet s’adresse bien davantage aux patrons du CAC 40, qui réalisent des milliards d’euros de profit, qu’aux salariés dont le Smic ne sera pas revalorisé cette année. Le journal l’Humanité de ce jour explique comment les rémunérations complémentaires des dirigeants des grands groupes sont fondées sur le strict intérêt des actionnaires. C’est ainsi que huit des dix membres du comité de direction de Danone ont pu bénéficier de 4,8 millions d’euros de plus-values.

Comme c’est indécent pour les salariés et leurs familles auxquels vous demandez en permanence des sacrifices ! Pour eux, pas de stock-options mais une force et une intelligence au travail qui doit au contraire être respectée et valorisée ! C’est ainsi que l’on améliorera l’efficacité économique et non en faisant l’inverse !

Notre combat n’est donc pas terminé. Il se poursuivra ici, dans l’hémicycle, lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances. Nous serons aussi présents le 12 septembre dans la rue, au côté des salariés et des syndicats qui s’opposent à ce projet de casse du code du travail, que nous rejetterons dans quelques instants par un vote unanimement contre du groupe communiste républicain et citoyen.

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