Réforme de l’organisation du temps de travail : explication de vote

par Roland Muzeau

La durée du travail relève de l’ordre public social. Les lois sont faites pour protéger la santé et l’emploi. Le progrès, c’est de travailler moins en gagnant plus. Dans un contexte de profits record pour les entreprises et les dividendes qui représentent 7 % du P.I.B., contre 5,3 % aux U.S.A. qui ne connaissent pas les 35 heures, le slogan que vous nous rabâchez - « travailler plus pour gagner plus » - est plus qu’inexact, il est mensonger et provocateur pour ceux qui voudraient travailler mais n’ont pas d’emploi ou sont contraints au temps partiel.

 Cette proposition de loi - faux nez du gouvernement - franchit un cap décisif dans votre politique de paupérisation du salariat. Votre objectif, c’est la smicardisation de la société.

 Vous osez prétendre défendre le dialogue social alors que votre réforme, unanimement dénoncée par les syndicats, génère grèves et manifestations. Tous les clignotants sociaux sont au rouge, la pauvreté fait des ravages. « Et alors ? » répond le gouvernement, dans un pas de deux avec le Médef et avec quatre députés à l’avant-garde de l’ultralibéralisme.

 Vous avez refusé tous les amendements du groupe C.R.C., aussi bien sur le contingent d’heures supplémentaires et sur la majoration de ces heures que sur le travail de nuit, la santé au travail, la prise en compte du temps de trajet dans le temps de travail, l’astreinte ou encore la revalorisation des temps partiels et l’utilisation du C.E.T. Vous n’avez pas répondu à nos propositions visant à réduire les inégalités hommes-femmes. Rien de surprenant, car cette réforme s’inscrit dans votre politique de destruction du droit du travail et de régression sociale. De Fillon à Gérard Larcher, tout se tient. Vous cherchez à individualiser les rapports entre salariés et employeurs car vous savez bien à qui profite ce rapport de force inégal.

 Dans un article du Figaro intitulé « Pour le droit de dire non à l’actionnaire », titre d’actualité face aux profits boursiers spectaculaires des grandes entreprises, le sociologue Andreu Solé, professeur à H.E.C., écrivait : « lorsque les intérêts particuliers menacent l’intérêt général, l’État doit intervenir pour défendre ce dernier. C’est sa mission, sa raison d’être. Exiger moins d’État, n’est-ce pas préférer un monde se réfèrant à un intérêt général réduit ? Tout se passe comme si l’appétit de l’actionnaire n’avait pas de limites, comme si l’intérêt d’une catégorie de citoyens était supérieur à l’intérêt général. L’incapacité de l’État à protéger l’intérêt général finit par apparaître pour ce qu’elle est, une décision. Avec cette proposition de loi, vous venez de prendre cette décision.

 Devinez qui a dit « plus la désespérance est grande, plus l’État doit s’affirmer » ? C’est Jean-Louis Doloré. Dommage qu’il en reste aux paroles…

 La flexibilisation du travail s’aggrave : le nombre de C.D.D. et de missions d’intérim a augmenté de 69 % de 1995 à 2003 ; la durée moyenne d’intérim est passée de 85 à 74 heures ; 33 % des missions d’intérim sont contractées pour une journée. Mais ça ne suffit pas : M. Devedjan veut faire travailler huit dimanches par an dans le commerce. L’U.M.P. et l’U.D.F. donnent aux Français de bonnes raisons d’aller manifester le 10 mars prochain, et de voter contre la constitution européenne, porteuse de la même politique

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