Pauvres grandes fortunes…

Pauvres grandes fortunes… - Rémunération du capital (Bass_nroll - https://www.flickr.com/photos/bass_nroll/)

Tribune parue dans Liberté Hebdo.

En cette période d’affaiblissement du mouvement syndical, l’arrogance patronale ne semble plus avoir de limite. Invité à la Commission des Affaires Sociales du Sénat le 6 décembre, M. Alexandre Saubot, représentant du MEDEF, n’a en effet pas hésité à affirmer : « il n’y a pas eu de grande évolution dans le partage des richesses depuis 15-20 ans, plus de dividendes mais moins d’intérêts versés aux banques. Moins d’investissement mais plus d’impôts. »
En clair, si les entreprises investissent moins, ce serait à cause d’un État trop envahissant qui assommerait fiscalement les entreprises et non du fait de l’accaparement des richesses par une minorité.

Un raccourci saisissant mais qui ne résiste bien sûr pas au moindre début d’analyse un tant soit peu sérieuse. En réalité, si les revenus du capital ont légèrement décru suite à la crise de 2008 (provoquée rappelons-le par l’hypertrophie financière), de 1983 à 2008 (essentiellement d’ailleurs de 1983 à 1989), la rémunération du capital a gagné 10% au détriment des salaires dans la répartition du PIB. Mais plus un mensonge est gros… !

Il faut aussi ajouter que la stabilisation à 30% de l’accaparement par le capital des richesses créées dans les entreprises doit aussi s’interpréter en lien avec ce constat : le nombre de bénéficiaires des revenus du capital s’est de plus en plus réduit, la richesse concentrée. Ainsi selon Oxfam, en France, 21 personnes détiennent autant de richesses que les 40% de la population la moins favorisée !
Enfin, le MEDEF ne peut évacuer par une pirouette le manque d’investissement productif qui accuse en France un retard structurel. Ainsi, la France se situe au 26ème rang sur 28 des pays de l’OCDE avec un taux de près de moitié de celui du Japon, loin derrière l’Italie, l’Allemagne ou les USA.

Cela signifie, et c’est cela que le MEDEF veut masquer, que la richesse créée dans les entreprises est tout simplement détournée de la sphère productive vers la finance. D’ailleurs, la France est officiellement le deuxième plus gros distributeur de dividendes après les USA (chiffres 2ème trimestre 2017) !

Ce n’est donc pas la fiscalité des entreprises (globalement stable depuis 1995) ni la part des cotisations sociales (qui vient encore d’être réduite) mais bien le poids des dividendes qui freine l’investissement productif et donc l’emploi !
Une vérité que je rappellerai très prochainement au Sénat.

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