Le bilan de cette commission mixte paritaire est calamiteux pour les salariés

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a achevé le processus de ratification des ordonnances choisi par le Gouvernement. Nous continuerons à dénoncer cette procédure qui prive la représentation parlementaire de nombreux moyens de contestation et de proposition.

Pour ne prendre qu’un exemple, votre gouvernement a réussi à faire adopter, le 24 janvier, une sixième ordonnance, déposée sous forme d’amendement en séance, sans que ni la commission des affaires sociales du Sénat, ni l’Assemblée nationale, ni encore moins les syndicats de salariés, aient eu leur mot à dire.

Ce court-circuitage a atteint son paroxysme lors de la commission mixte paritaire, où notre groupe politique n’est pas représenté et où un amendement déposé en séance le 23 janvier par la sénatrice Pascale Gruny, du groupe Les Républicains, mais retiré au vote, a pu être intégré au texte final par la commission mixte paritaire.

Là encore, on est loin de la simple correction d’une erreur matérielle ou d’un amendement de clarification. Il s’agit d’un recul grave pour la protection de milliers de salariés, et notamment de cadres.

Je rappelle qu’actuellement l’accord du salarié est obligatoire et que, s’il refuse de signer une convention individuelle de forfait, l’employeur ne peut ni appliquer d’office le forfait ni sanctionner l’intéressé. Il doit soit renoncer à son projet, soit engager une procédure de licenciement, selon la décision de la Cour de cassation du 30 mai 2007. Tout cela vole en éclats !

Plus généralement, le bilan de cette commission mixte paritaire est calamiteux pour les salariés.

Lors de la commission mixte paritaire, le Gouvernement et la droite sénatoriale ont trouvé des compromis qui aggravent de fait le texte initial du Gouvernement, alors que celui-ci remettait déjà en cause des équilibres issus de décennies de luttes sociales.

Ainsi, le texte initial prévoyait de réduire de cinq ans à un an le délai de recours en nullité contre un accord d’entreprise. Le Sénat l’avait réduit à trois mois : la commission mixte paritaire a tranché à six mois !

Cette nouvelle norme entravera encore plus les moyens d’action des salariés sur un sujet fondamental : la remise en cause d’avantages garantis jusqu’à présent par les branches.

La commission mixte paritaire a également tranché en faveur de l’extension de la rupture conventionnelle collective aux entreprises dépourvues de comité social et économique, alors que la version du Gouvernement elle-même n’allait pas jusque-là.

De plus, la limitation à trois mandats successifs pour les représentants des salariés a encore été aggravée. Alors que le Gouvernement souhaitait offrir la possibilité de modifier ce seuil, dans le cadre de protocoles d’accord préélectoraux, pour tenir compte de la faible implantation syndicale, cette faculté de dérogation a été limitée aux seules entreprises dont les effectifs sont compris entre 50 et 300 salariés. Comment ne pas interpréter ce nouveau recul comme une traduction supplémentaire de la volonté d’affaiblir la représentation des salariés, en la privant de ses éléments les mieux formés et les plus aguerris tout en plongeant les nouveaux venus dans des instances plus complexes, avec moins d’heures de représentation et de moyens d’action ?

Aussi, en supprimant la seule avancée de la loi Travail, qui prévoyait de créer une instance représentative pour les salariés des entreprises franchisées – vous y faisiez référence, madame la ministre –, le Gouvernement a cédé une fois encore aux pressions patronales. Au moment où Carrefour annonce qu’il va franchiser une partie de ses magasins, on peut s’interroger sur le prétendu équilibre affiché par le Gouvernement. En effet, 620 000 salariés continueront d’être dépourvus de représentation syndicale, au moment même où se profile un vaste plan de casse de l’emploi.

Vos beaux discours sur la modernisation du dialogue social s’envolent donc lorsqu’il s’agit de préserver les intérêts des grands groupes, lesquels pourront, de fait, mettre en œuvre la rupture conventionnelle collective quand bon leur semble.

C’est vrai, vous prétendez éviter le « traumatisme du licenciement », mais les salariés, grâce à vous, ou plutôt à cause de vous, pourront se retrouver à la rue sans accompagnement, en contrat de sécurisation professionnelle et sans priorité de réembauche. Voilà le changement !

Je pense ainsi à l’entreprise Téléperformance, qui envisage de se débarrasser de 240 salariés via une rupture conventionnelle collective avec, pour seul accompagnement, trois mois de salaire net pour tous et une prime d’incitation de 2 000 euros à 10 000 euros suivant l’ancienneté ; bref, un dispositif évidemment moins lourd et moins cher qu’un plan de sauvegarde de l’emploi, mais qui a vocation à se généraliser, avec à chaque fois la même finalité – nous ne pouvons que le déplorer –, la suppression d’emplois pour renforcer la profitabilité de l’actionnariat.

La vérité, c’est que toutes ces mesures régressives que j’ai énoncées réduisent encore plus les protections des salariés et sécurisent abusivement, parfois, la situation des employeurs ; elles ne régleront pas, en tout cas, le problème principal, que vous évoquiez : le chômage.

Nous le répétons encore une fois – je vous renvoie à ce que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a dit à maintes reprises –, nous n’étions pas pour le statu quo ; il aurait été possible d’élaborer un nouveau code du travail, plus simple, plus lisible, à la fois protecteur pour les salariés et garant de l’efficacité économique. Ce n’est pas le chemin que vous avez choisi, vous avez préféré vous appuyer sur le libéralisme assumé de la majorité sénatoriale pour vous éloigner encore plus des déclarations d’intention que vous aviez faites, à l’origine, à l’attention des syndicats de salariés.

À l’arrivée, votre projet de loi choisit clairement son camp ; nous nous y opposerons frontalement par notre vote.

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