Proposition de résolution sur la directive Bolkestein : question préalable

par Guy Fischer

Après l’accord d’hier, quel verbe utiliser : réécrire, reformuler, reprendre, ou rendre présentable la directive Bolkestein ? L’euromanifestation de Bruxelles, samedi dernier, témoigne du mécontentement généré par cette directive, en France, mais aussi dans d’autres États membres.

Pendant une année, la directive a été validée sur le plan européen. Ceux qui aujourd’hui se félicitent de l’annonce du remaniement profond de ce texte, avaient soutenu la version originale !

M. MERCIER. - C’est bien de changer d’avis !

M. FISCHER. - C’est vite oublier que le Parlement européen, à l’exception des communistes, avait voté cette directive le 13 février 2003, et que les représentants des gouvernements l’avaient approuvée au sein du Conseil des Ministres européens.

Pourquoi ce revirement ? Ne serait-ce pas la menace d’un refus par le peuple français de ratifier le traité constitutionnel.

M. DE RAINCOURT. - Oh !

M. FISCHER. - Ne serait-ce pas l’inquiétude qui monte dans le camp du « oui », face à certains sondages, qui pousserait gouvernements européens à mettre ce texte de côté, en espérant contenir la poussée du « non » en France ?

La décision d’hier et les commentaires qui l’accompagnent s’apparentent à une tentative de masquer le temps d’un référendum, le caractère libéral de la politique européenne.

Plus qu’une question préalable, j’aurais souhaité soulever une question de confiance.

Comment, en effet, avoir confiance en des dirigeants politiques qui dans une précipitation caricaturale renvoient à plus tard - après le référendum - la reformulation de la directive tout en affirmant leur volonté de promouvoir la libéralisation des services par la promotion sans limite de la concurrence ?

Le Président de la République s’est prononcé ce matin contre l’application du principe du pays d’origine. Très bien ! Mais pourquoi la réunion d’hier n’a-t-elle pas affiché cette position ? Et M. Barroso n’a-t-il pas affirmé ces derniers jours, avec d’autres, son refus de retirer la directive Bolkestein ? Cessons de jouer sur les mots : la directive n’est ni retirée, ni entérinée, elle est reportée pour, comme l’espèrent les partisans du oui, ne plus interférer dans la campagne référendaire. Vœu pieux !

En effet, si l’émotion est forte sur la directive Bolkestein, c’est que celle-ci est devenue la référence d’une certaine conception de l’Europe et préfigure ce que nous réserve le traité constitutionnel européen.

Oui ou non le traité prévoit-il « un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » ? Place-t-il oui ou non au rang de « libertés fondamentales » « la libre circulation des personnes, des services, des marchandises, ainsi que la liberté d’établissement » ?

M. MERCIER. - Ce principe a été posé pour la France en 1791 !

M. FISCHER. - M. Barroso a beaucoup de défauts, mais pas celui de l’hypocrisie.

M. BRET. - Ce n’est pas comme certains.

M. FISCHER. - Il l’a affirmé : « Quand je dis que nous sommes prêts à répondre aux véritables préoccupations sur la manière de fonctionner du principe du pays d’origine, cela ne signifie pas que nous allons abandonner ce principe ».

M. Barroso a été rejoint, soutenu par le ministre espagnol de l’Économie qui a été encore plus franc : « le principe du pays d’origine est un principe de base de la construction européenne ».

En France, les partisans d’hier de la directive ne trouvent plus de mots assez durs pour dénoncer le dumping social. Ont-ils oublié que la stratégie de Lisbonne érige la compétition au rang de valeur de l’Union et préfigure l’Europe telle que conçue dans le traité constitutionnel ?

Comment ne pas dénoncer le matraquage médiatique actuel visant à faire croire à nos compatriotes qu’ils ont été entendus, alors que MM. Chirac et Raffarin imposent depuis 2002 une purge libérale ? (Murmures à droite.) Les ministres français approuvent systématiquement des directives qui, dans de nombreux domaines, je pense au service public, imposent le libéralisme !

L’enjeu est tel qu’un retard de quelques mois dans l’application de cette directive n’a pas si grande importance, puisque le cap du libéralisme est maintenu.

Mais les Français ne sont pas dupes. Ce recul - pour mieux sauter - est tardif et calculateur.

Pour couper court aux accusations d’hypocrisie ou de manipulation, il existe deux solutions : demander le retrait de la directive, pour bien préciser qu’elle ne sert plus de base de discussion ; refuser le traité constitutionnel européen afin de négocier un nouveau traité qui ne pourra plus fonder des textes tels que la directive Bolkestein.

Retour en haut