Les cheminots ont une haute idée de leur entreprise

Je formulerai deux remarques.

En premier lieu, maintenir le statut de cheminot pour ceux qui sont aujourd’hui dans l’entreprise, afin de faire en sorte qu’ils acceptent le changement de statut – en vérité, une dégradation – de ceux qui intégreront l’entreprise plus tard, est un argument qui touche à la dignité des cheminots. Les cheminots ne défendent pas individuellement leur seule situation sociale, ils ont une haute idée de leur entreprise : ils tiennent à son unité et à la solidarité du personnel, qui est un facteur de qualité du service. Ils ne veulent pas d’une entreprise où certains auront un statut ancien et d’autres un statut dégradé, car ce sera un facteur de désorganisation de l’entreprise et de désorganisation du secteur.

Lorsque 91 000 cheminots, à l’occasion d’une « vot’action », disent non, c’est bien parce qu’ils refusent cette dégradation. Vous n’attraperez pas les cheminots en utilisant cet argument, qui a d’ailleurs été utilisé dans d’autres entreprises publiques avec les résultats que l’on connaît en matière de précarisation de l’emploi.

En second lieu, dans votre logique, qui n’est pas la nôtre, on est obligé d’ouvrir à la concurrence et de nouvelles entreprises intégreront le secteur. Vous semblez dire que vous ne voulez pas toucher à la condition sociale des salariés du ferroviaire, mais vous pouviez tout à fait procéder autrement, en commençant non par la suppression du statut, mais par la négociation de la convention collective des salariés du ferroviaire.

Mme Fabienne Keller. C’est en cours !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Oui !

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cela a déjà commencé !

M. Pierre Laurent. Cela aurait levé toute ambiguïté. Vous auriez pu, avant d’ouvrir à la concurrence, proposer d’aller au bout de cette négociation et décider une fois que celle-ci aurait été menée à son terme. Vous auriez pu dire : dans cette négociation, le Gouvernement souhaite que le statut négocié soit au minimum celui des cheminots actuels pour tirer tout le monde vers le haut. Vous auriez pu agir dans ce sens. Pourquoi ne pas l’avoir fait ?

Vous prétendez que personne n’a jamais dit que les cheminots étaient des privilégiés. Qui a ouvert le débat sur la réforme ferroviaire par la question du statut des cheminots, sinon, pendant plusieurs semaines, le Premier ministre et le Président de la République,…

M. Olivier Jacquin. Tout à fait !

M. Pierre Laurent. … provoquant la colère des cheminots et du pays ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Pierre Laurent. Vous pouvez régler le problème, mais, en vérité, vous ne le voulez pas !

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