La démocratie ne sortira pas grandie de ce texte qui fait prévaloir la suspicion sur l’accueil

Le rejet de principe par la majorité de la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité est selon nous assez inquiétant.

Aucune réponse sérieuse et audible pour les différentes associations mobilisées aux arguments constitutionnels avancés n’a été véritablement apportée. La liste des principes fondamentaux remis en cause par ce projet de loi était pourtant encore longue : du droit au procès équitable bafoué au principe d’unité familiale amoindri – plus encore par la commission des lois du Sénat –, en passant par la rupture d’égalité de traitement des citoyens, avec une justice au rabais institutionnalisée outre-mer et à Mayotte en particulier, notre démocratie ne sortira pas grandie de cette prévalence de la suspicion et de la répression quant au respect et à l’effectivité des droits et des principes fondamentaux de la République.

M. Macron a poursuivi un bien triste chemin depuis le sommet européen qui s’est tenu il y a un an à quelques jours près, à l’issue duquel, tenant une conférence de presse avec Mme Merkel il déclarait : « Nous devons accueillir des réfugiés, c’est notre devoir et notre honneur. »

Lorsque l’Aquarius est passé à sept kilomètres de nos côtes, chassé d’Italie par un ministre de l’intérieur néofasciste, le chef de l’État avait semble-t-il oublié ces belles paroles.

On dit souvent que le Président de la République fait ce qu’il dit, ce qu’il a promis.

Si certaines dispositions avaient été annoncées, rien ne permettait de prévoir la violence de la politique menée par ce gouvernement ainsi que la violence de certains propos tenus en certaines circonstances.

Un avant-goût amer de ce projet de loi avait été annoncé par vos circulaires de décembre relatives au recensement administratif dans les centres d’hébergement et à la demande faite aux préfets d’accroître les reconduites à la frontière. Avec ces textes, vous avez donné le la.

L’historien Patrick Weil a déclaré à ce sujet : « Aucun gouvernement depuis la Deuxième Guerre mondiale n’avait osé aller jusque-là ». Évoquant le futur projet de loi, il poursuivait : « Si le projet [de loi] s’inscrit dans cette lignée, ce sera une régression dramatique. »

Nous sommes aujourd’hui face à cette régression dramatique contraire à nos principes fondamentaux et à la tradition républicaine de notre pays que dénonce fortement M. Jacques Toubon, garde des sceaux sous la présidence de la République de Jacques Chirac, aujourd’hui Défenseur des droits.
Madame la ministre, mes chers collègues, l’Europe est sur une pente dangereuse. Un vent mauvais souffle sur le monde.

Nationalisme et xénophobie se répandent. Nous ne devons pas céder à cette facilité dangereuse, qui tend à dresser les peuples les uns contre les autres dans un débat démocratique.

Que vous l’admettiez ou non, vous jouez sur la peur de l’autre, sur l’individualisme, comme d’autres l’ont fait bien mieux auparavant.

Nous appelons à voter en faveur de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, afin de réaffirmer le choix de la France de rester fidèle à ses valeurs fondamentales.

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