Votre discours sur le pouvoir d’achat ne passe pas, ne passe plus

Votre discours sur le pouvoir d'achat ne passe pas, ne passe plus - Loi de finances rectificative pour 2018 (Pixabay)

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, monsieur le ministre, je vais me permettre de vous citer lors de votre présentation de ce projet de loi de finances rectificative au Palais Bourbon :

« Je reviens vers vous avec un projet de loi de finances rectificative qui a pour énorme avantage d’être conforme à la promesse du Gouvernement.

« En effet, l’année dernière, je me suis engagé devant vous à ne pas prendre de décret d’avances – ce sera désormais la norme – et à ne prévoir aucune mesure fiscale dans le projet de loi de finances rectificative, ce qui n’était jamais arrivé depuis l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Nous voulons soumettre à l’approbation du Parlement des enveloppes budgétaires sincères, respectueuses des crédits inscrits en loi de finances que vous avez votés. »

Cette démonstration d’autosatisfaction devant l’effort accompli ne doit cependant pas faire oublier à tout un chacun qu’elle s’appuie sur un déficit public de 80 milliards d’euros, en hausse de près de 13 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent, où il est vrai qu’une opération « à un coup », tour de passe-passe financier avec la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la Coface, avait permis une amélioration du solde budgétaire global par imputation sur celui des comptes spéciaux.

Plutôt que de s’interroger sur la progression du déficit de l’État, que l’amélioration – à quel prix ! – de la situation des comptes sociaux et de ceux des collectivités locales permet de masquer en grande partie, le Gouvernement préfère acter ses choix et se féliciter d’avoir réduit d’environ 6 milliards d’euros la prévision de déficit inscrite en loi de finances initiale.

Le brevet de sincérité budgétaire que vous vous adressez est donc, de notre point de vue, largement écorné par celui de creusement des déficits et de la dette, que l’on doit également vous décerner.

Le maintien de la contribution additionnelle de l’impôt sur les sociétés, sollicitée dans le collectif budgétaire du 1er décembre 2017, celui de l’impôt de solidarité sur la fortune et l’abandon du prélèvement libératoire forfaitaire sur les revenus du patrimoine auraient pu, ensemble, assurer au budget 2018 de se retrouver avec un point d’équilibre proche de celui du budget 2017. Autant de décisions anciennes pointées parmi les « gilets jaunes » ces jours-ci !
Toutefois, il y a belle lurette que, à l’instar d’autres qui vous ont précédé, vous avez choisi de mener à l’encontre de l’impôt une guerre d’attrition, l’éloignant toujours plus du lieu naturel de sa création – l’entreprise – pour investir largement les poches des consommateurs salariés ou retraités, sous forme de taxes à la consommation et de droits indirects, comme ceux qui font le plein dans le prix du plein à la pompe à essence.

Nous nous retrouvons donc aujourd’hui face à un collectif budgétaire sensiblement raccourci, dans lequel vous avez décidé qu’il ne serait introduit aucune disposition fiscale nouvelle. Vous avez choisi de réduire le débat et de le ramener au niveau de celui qui pourrait avoir lieu pour l’adoption d’un compte administratif dans une collectivité territoriale. Peut-être avez-vous aussi décidé de laisser à la loi de règlement le bonheur de revenir sur la réalité des chiffres, une fois passée la discussion d’un collectif toujours fixé sur une prévision de croissance qui ne va peut-être pas se réaliser.

Revenons à l’essentiel. Le brevet de sincérité que vous vous êtes décerné ne peut masquer la nécessité d’ouvrir un certain volume de crédits supplémentaires, dans des domaines bien précis – je pense à la solidarité, à l’insertion, à l’égalité des chances, à la cohésion des territoires, à l’enseignement scolaire, au travail et à l’emploi –, où les urgences sociales semblent, encore une fois, avoir été insuffisamment évaluées en loi de finances initiale. Il ne peut pas davantage masquer le fait que certaines recettes fiscales ont connu une nouvelle baisse, notamment l’impôt sur les sociétés, les droits de mutation à titre gratuit ou encore l’impôt sur la propriété immobilière, ce croupion de l’ISF bien moins juste.

Il a fallu la cession partielle des actions de l’État dans Safran, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, pour que le compte final reste sur la crête des 80 milliards d’euros. Ce mauvais choix pour l’industrie française, en motorisation aérienne comme pour l’électronique embarquée, est à ajouter à ce passif.

Nous devrions être convaincus depuis bien longtemps que l’amélioration des comptes publics ne fait pas bon ménage avec ce portrait d’une France qui souffre de la précarité du travail, démultipliée par la réforme du code du travail, du mal-logement, produit d’une logique d’aide à la promotion immobilière et du véritable coup de bambou fiscal qui affecte l’ensemble de la fiscalité indirecte.

Votre discours sur le pouvoir d’achat ne passe pas ! Il ne passe plus, ces temps-ci ! Nous ne voterons évidemment pas ce collectif, qui est, à nos yeux, un simple exercice d’autosatisfaction du Gouvernement.

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