Le gouvernement demeure droit dans ses bottes libérales, contre vents et marées

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en préalable, comment ne pas souligner, une nouvelle fois, l’extrême précipitation des débats, qui nuit, vous en conviendrez, à leur qualité ? Adopté en conseil des ministres le 7 novembre dernier, ce texte a été examiné en séance publique à l’Assemblée nationale le 13 novembre et le jour même en commission au Sénat. Il est inscrit à l’ordre du jour de ce 18 novembre.

Ce PLFR, qui traite des 476 milliards d’euros du budget révisé, aurait sans doute mérité une étude plus approfondie et, n’en déplaise à M. le ministre du budget, la seule performance de présenter ce collectif en novembre, et non en décembre, ne saurait justifier que l’on méprise une nouvelle fois le Parlement, ce qui semble décidément devenir la marque de fabrique de ce gouvernement.

Comme l’indique justement le rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, « sur le plan budgétaire les grands objectifs gouvernementaux ne sont pas modifiés ». C’est bien ce que nous reprochons à M. Macron et au gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État : vous demeurez droit dans vos bottes libérales, contre vents et marées, en faisant la sourde oreille à la colère qui monte dans le pays, colère fondée sur un sentiment de détresse sociale de plus en plus fort, sur un sentiment d’injustice sociale et fiscale croissant, sur cette pauvreté qui s’étend et s’approfondit.

Ce collectif budgétaire aurait dû être le moment, à quelques jours d’une grande mobilisation populaire, le 5 décembre prochain, d’annoncer un tournant dans votre politique, ce fameux virage social qui n’a jamais vu le jour, ce fameux acte II qui n’a jamais été ouvert.

Il y avait urgence, monsieur le secrétaire d’État. Or vous restez les bras ballants, dans l’autosatisfaction de votre prouesse calendaire. Entendez-vous la détresse de ceux qui sont plongés dans la pauvreté, eux qui ne paient ni taxe d’habitation ni impôt sur le revenu, et pour cause ?

Ils ont disparu de vos radars, sauf quand ils consomment, même chichement, et paient cet impôt profondément injuste qu’est la TVA, lequel représente une part deux fois supérieure à l’impôt sur le revenu dans les recettes fiscales de l’État.

Ils apparaissent également sur les radars du Gouvernement quand on gèle certains minima sociaux. Comment ne pas évoquer la scandaleuse et dogmatique réduction de l’indemnisation du chômage ?

Oui, une loi de finances rectificative aurait pu répondre à la détresse étudiante, au désarroi des personnels de santé et de bien d’autres catégories en souffrance.

L’abrogation de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), la mise en place du PFU (prélèvement forfaitaire unique), ou flat tax, cela ne suffit pas. Les cadeaux aux riches et surtout aux ultra-riches continuent de pleuvoir. Notons d’ailleurs à l’occasion de ce collectif que le produit de l’impôt sur les sociétés a diminué et que le considérable chèque de 73 milliards d’euros de CICE n’a certainement pas été revu à la baisse.

Votre projet de loi de finances rectificative ne déroge pas à la règle. Les augmentations de dépenses, liées en particulier aux concessions arrachées de haute lutte par les « gilets jaunes », bien insuffisantes au demeurant, ne vous ont certainement pas conduit à ponctionner le portefeuille des plus aisés de ce pays.

D’une part, une conjoncture favorable vous a évité de le faire, les taux d’intérêt bas provoquant par exemple un allégement de 1,6 milliard d’euros de la charge de la dette.

De meilleures rentrées fiscales liées à l’efficacité du prélèvement à la source, qui, rappelons-le, contraint plus le salarié que l’évadé fiscal, et de meilleurs rendements, bien modestes, de l’imposition du patrimoine ont également contribué à soulager les finances publiques.

Comment ne pas noter également que le Gouvernement a utilisé, pour compenser les mesures de la fin décembre 2019, les bénéfices tirés de l’augmentation du prix de l’électricité ? Je cite le rapport de la commission des finances : « L’augmentation du marché de l’électricité diminue en effet la compensation que l’État doit verser aux opérateurs pour l’accomplissement des charges de service public. »

D’autre part, pour maintenir l’équilibre budgétaire, monsieur le secrétaire d’État, vous faites également les poches des finances de l’État en effectuant un certain nombre d’annulations de crédits, fonds en réserve ou crédits réellement affectés. La lecture de la liste de ces annulations est édifiante et souligne la coupure de Bercy avec la réalité vécue par nos concitoyens.

Alors que la crise des universités est là, alors que l’acte désespéré d’un jeune a révélé l’ampleur de la précarité étudiante, vous annulez 322 millions de crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont 34 millions qui auraient pu être consacrés à la vie étudiante.

M. Patrick Kanner. Lamentable !

M. Éric Bocquet. Sur le plan tant pratique que symbolique, cette proposition est inacceptable. Dans le mystère des chiffres se dissimule souvent la violence sociale de votre politique.

De même, comment avez-vous pu annuler 74 millions d’euros de crédits affectés à la santé ? Dans quel monde vivez-vous ?

Autre exemple, vous annulez 212,5 millions d’euros de crédits affectés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Vous diminuez même, plus précisément, la ligne « Prévention des risques » quelques semaines après l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen. Cette mesure nous semble tout à fait irresponsable.

Enfin, vous annulez 308 millions d’euros de crédits de l’aide publique au développement. Quel choix incompréhensible ! Quand M. Macron déclenche un débat de diversion sur l’immigration, il se prive de moyens pour apporter des solutions de long terme.

Ainsi, les choses apparaissent clairement. Pour répondre à la croissance d’une dépense liée en partie à la crise sociale, vous répondez par un nouveau tour de vis austéritaire. Cette politique dogmatique à courte vue est bien loin de ce dont le pays a besoin : une autre politique fondée sur la justice sociale et fiscale, sur le développement économique. Vous ne saisissiez même pas l’opportunité historique des taux d’intérêts bas pour investir dans l’avenir et dans la jeunesse.

Notre groupe votera contre ce projet de loi de finances rectificative marqué par l’immobilisme libéral.

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