La France intensifie ses relations avec l’Inde en passant sous silence la nature détestable de ce régime

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accord entre la France et l’Inde qui nous est soumis doit être examiné d’un double point de vue : d’une part, celui de la pertinence de mesures de coopération renforcée pour lutter contre le trafic de stupéfiants, d’autre part, celui des conditions concrètes de cette coopération avec le régime politique actuel de ce pays, un régime extrémiste hindouiste raciste, foulant aux pieds les droits fondamentaux, notamment ceux des citoyens indiens musulmans et chrétiens.

Au nom de sa stratégie indopacifique, la France intensifie ses relations avec l’Inde dans le domaine diplomatique et dans celui de la défense, en passant le plus souvent sous silence – comme c’est le cas aujourd’hui – la nature détestable de ce régime. C’est l’une des raisons de notre inquiétude sur les possibles conséquences en matière de droits humains de l’application de cette convention.

L’objet de ce texte est de se donner de nouveaux moyens de lutte contre le trafic de produits stupéfiants, fléau indéniable et de grande ampleur. Or l’Inde est bien l’une des plaques tournantes du trafic mondial d’opiacés. Elle est par ailleurs le premier producteur mondial de médicaments génériques – la France est d’ailleurs une très bonne cliente de l’Inde, notre pays ne produisant que 5 % de la consommation médicinale nationale. Or, comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé, on estime qu’un médicament générique sur dix est falsifié, cette proportion étant d’un sur deux pour les médicaments achetés sur internet.

L’Inde est aussi le théâtre d’un véritable trafic d’éphédrine et de Tramadol.

Enfin, il faut souligner les liens structurels – ils sont de plus en plus documentés – entre tous les types de trafics transnationaux, par exemple ceux de produits stupéfiants, les réseaux de blanchiment et les réseaux criminels de toute nature, notamment terroristes.

Les raisons d’agir sont donc multiples, d’autant que l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies estimait, dans son rapport de 2016, que les Européens dépensaient au moins 24 milliards d’euros par an en drogues et produits stupéfiants.

La convention pourrait donc renforcer un indispensable effort de coordination et de coopération dans la lutte contre ces trafics, dans l’esprit des travaux de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime et du pacte de Paris de 2003.

La coopération avec l’Inde appelle toutefois de lourdes remarques, au moment où le régime de Modi foule aux pieds l’État de droit au nom de théories ouvertement racistes, où les milices armées d’extrême droite hindouiste perpètrent des massacres dans ce pays et où la destination financière des trafics visés par la convention doit être interrogée, y compris dans les rangs du régime de New Delhi.

Pouvons-nous fermer les yeux sur l’état du système judiciaire et policier de ce pays et sur le possible recours par ce régime à la peine de mort, contraire aux conventions internationales dont la France est signataire ? Notre vote contre en commission tendait à alerter sur ces enjeux essentiels.

Nous avons entendu les réponses du Gouvernement : la convention devant servir à échanger des informations structurelles sur les réseaux, et non sur les personnes, les risques d’une condamnation à mort d’une personne poursuivie du fait de la transmission d’informations françaises seraient limités. Quand bien même cela arriverait, ces informations tomberaient sous le coup de la convention d’extradition de 2005, qui contient une clause obligeant l’Inde à renoncer à une exécution.

Si l’accord ne contient pas une clause de non-application de la peine de mort, ce qui est à nos yeux profondément regrettable, il instaure, nous dit-on, des garde-fous aux articles 2 et 5 permettant à la France de se soustraire à la coopération lorsqu’elle pressent une entorse possible à ses engagements internationaux.

Malheureusement, ces garanties restent largement conditionnelles et leur impact est très fragile selon nous. Monsieur le rapporteur, le débat de la semaine dernière en commission a permis de lever certains doutes sans toutefois nous rassurer totalement. C’est pourquoi, après réflexion, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste optera pour une abstention pleine de vigilance.

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