Le traitement des inégalités et de la pauvreté est le principal échec de ce projet de loi

Le traitement des inégalités et de la pauvreté est le principal échec de ce projet de loi - Quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (Pixabay)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat intervient au lendemain d’une annonce très inquiétante faite par la Fondation Abbé Pierre : le nombre de personnes sans logement dans ce pays approche les 300 000.

Ces nouvelles viennent quelques jours après la publication du rapport alarmant du Secours Catholique sur l’état de la pauvreté en France : pauvreté et inégalités ont augmenté depuis dix ans dans notre pays, de façon continue, et l’on annonce que la France franchira la barre des dix millions de pauvres en 2020.

Mes chers collègues, vivons-nous bien dans la sixième puissance économique du monde ? Ce projet de loi de finances rectificative, quatrième du nom pour cette année, répond-il à ces enjeux ?

Nous répondrons par la négative, à l’examen des chiffres. En effet, vous accordez une aumône de 150 euros, pendant un mois seulement, aux chômeurs en fin de droits, aux étudiants boursiers et aux bénéficiaires de l’APL. L’association ATD Quart Monde dénonce « des mesures pansement, déconnectées de la vie des gens, loin d’être à la hauteur de la situation ».

Le Gouvernement mise sur l’emploi et l’insertion par l’activité économique. Est-ce bien crédible, au moment où chaque jour sont annoncés des plans de licenciements, qui vont faire basculer dans la précarité des milliers de salariés et leurs familles ?

Nous sommes bien loin du « quoi qu’il en coûte » présidentiel. Le traitement des inégalités et de la pauvreté est, selon nous, le principal échec de ce projet de loi de finances rectificative.

Notre groupe propose, au travers de ses amendements, des mesures concrètes pour répondre à ce défi social urgent : revalorisation et extension du revenu de solidarité active (RSA), augmentation des bourses étudiantes et aide au logement pour les plus démunis.

Il est temps de mettre à contribution ceux qui n’ont pas été au rendez-vous de la solidarité, et d’autres qui parviennent même à sortir gagnants de la pandémie qui nous frappe.

Il s’agit, par exemple, des compagnies d’assurances qui disposent d’un confortable matelas de 100 milliards d’euros de réserves, alors que des centaines de PME, de PMI, d’artisans et de commerçants se retrouvent dans la tourmente et, parfois même, menacés dans leur existence.

Il s’agit aussi d’autres multinationales, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), que l’on pourra désigner bientôt du terme d’« État numérique ». En effet, Amazon ne déclare quasiment aucun bénéfice en France. Ces groupes payent trois fois moins d’impôts que le libraire du quartier, et quand Google paye son impôt, c’est au terme d’une bataille judiciaire de plusieurs années.

L’entreprise a ainsi réglé, il y a quelques mois, une somme de 500 millions d’euros, plus 400 millions de pénalités, mais ce chèque venait solder un litige qui portait sur 7 milliards d’euros d’impôts éludés par Google pendant dix ans. Le fisc s’est donc assis sur six milliards d’euros... Autrement dit, « fraudez, fraudez, il en restera toujours quelque chose ! »

Le constat que nous pouvons faire à l’occasion de ce PLFR 4 est le suivant : le Gouvernement, même en pleine pandémie, ne remet pas en cause ses fondamentaux. Il est hors de question de solliciter les plus hauts revenus et les dividendes par l’impôt ; et puis l’on entend discrètement revenir à l’ordre du jour le néfaste projet de réforme des retraites.

Monsieur le ministre, cette réforme structurelle fait partie de celles qu’exigent l’Union européenne, la Banque centrale européenne et les marchés financiers, ceux-là mêmes que vous allez encore favoriser, car en ne mettant pas à contribution les dividendes, les grosses fortunes et les patrimoines, vous faites le choix d’avoir recours à la dette. Pour dire les choses plus trivialement, « c’est celui qui paye les musiciens qui choisit la musique » !

Or cette dette inquiète nos concitoyens. Chacun et chacune s’interroge : qui va la payer ? M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, a apporté la réponse, il y a quelques jours, à l’Assemblée nationale : « Cette dette, je tiens à le redire, elle devra être remboursée le moment venu par la croissance, par un effort de responsabilité en matière de dépenses publiques et par des réformes structurelles, dont la réforme des retraites. »

Ce projet de loi de finances rectificative ne prend pas le chemin de la nécessaire solidarité. Il ne prend pas en compte, selon nous, la gravité de la crise sociale qui est déjà là. Il renonce à solliciter les très hauts revenus et à taxer les dividendes.

Nous défendrons nos propositions de justice sociale et fiscale, durant le débat de ce jour.

En l’état, ce PLFR 4 n’offre pas de vraies réponses à la situation de notre société. Le groupe CRCE ne pourra y apporter son soutien.

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