Les pauvres sont les grands oubliés

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les quatre minutes qui nous sont imparties, nous ferons quelques observations rapides sur les données de ce quatrième collectif budgétaire de l’année, dont le moins que l’on puisse dire est que les modifications qu’il contient ne sont, au fond, que très marginales.

Pour autant, notons tout d’abord que les membres de la CMP ont pu se mettre d’accord sur un texte commun, qui consiste à supprimer beaucoup des apports de la première partie. J’en veux pour exemple l’amendement visant à créer une taxe sur les services numériques, qui, une nouvelle fois, est passé à la moulinette de la CMP. Adopté pour la troisième fois dans cet hémicycle il y a encore quelques jours, dans le PLF en cours d’examen, son vote définitif permettrait de faire contribuer les acteurs du numérique au plus proche du niveau de leurs activités réelles sur le territoire français. Il renforcerait la taxe sur les services numériques dite « GAFA », que d’aucuns considèrent comme largement insuffisante, et pallierait l’impunité de ces entreprises qui ne connaissent pas la crise économique.

Le déficit s’envole pour soutenir les entreprises, soit, mais ne profite nullement à la demande. Nous réitérons ce que nous vous avons dit : les pauvres sont les grands oubliés de ce projet de loi finances rectificative, qui n’a de rectificative que le nom.

Quels sont, au fond, les ajustements effectués ? Les plus démunis se voient accorder 150 euros : autrement dit, 220 milliards d’euros pour les entreprises, 1,1 milliard pour les plus démunis, le jour même de l’ouverture des Restos du cœur et à l’avant-veille de la publication du rapport de l’Observatoire des inégalités, comme si urgence économique et urgence sociale ne devaient pas aller de pair ; comme si aider massivement les entreprises à passer la crise sanitaire pouvait suffire à résoudre la crise sociale, qui est déjà bien présente ; comme si l’une n’était pas fonction de l’autre !

Je ne peux ici que constater, entre nous, une divergence profonde et manifeste.
Nos débats semblent parfois, voire trop souvent, complètement déconnectés de ce que nos concitoyens et concitoyennes vivent dans cette période très exceptionnelle.

De mars à fin septembre, l’État a ainsi engagé 25 milliards d’euros dans le plan d’urgence, dont 22 ont été accordés aux entreprises, notamment pour financer l’activité partielle. Celle-ci a au tiers été supportée par l’Unédic, par le biais de sa dette garantie par l’État, tandis que la sécurité sociale a dû consentir à plus de 44 milliards d’euros d’exonérations totales ou de reports de cotisations. Parallèlement, les collectivités locales, elles, n’ont pu que constater des pertes de recettes non totalement compensées.

Pour ce qui est des prêts garantis par l’État, ils partirent 300 mais arrivèrent 120 – je parle en milliards d’euros –, permettant aux banques de transformer des crédits de court terme en prêts de moyen voire de long terme, plus juteux en intérêts encourus ! Vous avez négocié les taux d’intérêt, mais ils peuvent tout de même atteindre 2,5 %. Parmi les entreprises concernées, nombres d’entre elles, quoi qu’on en ait dit, n’ont pu se voir prêter la somme qu’elles avaient demandée.

C’est, pour le reste, comme à l’accoutumée : ouverture de crédits pour compenser les insuffisances initiales, notamment en matière d’action sociale de l’État – mais c’est là une habitude ancienne. La vérité est que ce collectif tourne le dos aux maux qui minent notre société et notre économie.

Il aura suffi d’un terrible virus pour supprimer plus de 800 000 emplois dans ce pays et révéler, en quelques jours, les ravages de la précarité du travail encouragée depuis trop longtemps par les politiques de l’emploi et les réformes du code du travail successives. Il aura suffi de ce terrible virus, aussi, pour prouver combien les politiques de « maîtrise des dépenses publiques » ont privé notre pays, puissance économique de référence dans le monde en matière de santé publique, de sa capacité d’agir en prévention comme en réparation.

Ce collectif budgétaire s’inscrit dans les pas de ceux qui l’ont précédé et ne rompt nullement avec des choix désastreux.

Au nom des familles, des retraités, des salariés, des jeunes, nous, membres du groupe CRCE, ne pouvons que confirmer notre vote négatif sur ce texte.

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