Un projet inutile, nuisible, coûteux et contesté

Question orale

Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, auteur de la question n° 1392, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

M. Pierre Laurent. Madame la présidente, monsieur le ministre, j’interpelle une nouvelle fois le Gouvernement sur le Charles-de-Gaulle Express. Cette liaison de trente-deux kilomètres pour un coût de 2 milliards d’euros doit relier la gare de l’Est au terminal 2 de l’aéroport de Roissy, moyennant un billet à 24 euros.

Ce projet n’a aucun intérêt pour les transports du quotidien. Sa mise en œuvre se ferait au détriment de la priorité qui doit être donnée à l’amélioration de ces transports qui sont aujourd’hui en grande souffrance. Il utiliserait en grande partie le réseau ferré existant, pendant les travaux et après, alors que celui-ci est déjà saturé, tant à la sortie de la gare de l’Est que sur le réseau nord.

Ce projet aura aussi un impact environnemental discutable. C’est sur ce point que le tribunal administratif de Montreuil, saisi par la ville de Mitry-Mory, a annulé l’autorisation environnementale du chantier contenue dans un arrêté signé en février 2019. Le tribunal a remis en question les deux grandes raisons d’être qui étaient avancées, à savoir une meilleure desserte vers l’aéroport de Roissy et les jeux Olympiques de 2024, alors que le chantier se terminera au mieux à la fin de 2025… Le tribunal a considéré que ce projet ne correspond pas un intérêt public majeur prioritaire.

Or, malgré ce jugement, la filiale gestionnaire d’infrastructure chargée du Charles-de-Gaulle Express s’entête à vouloir continuer les chantiers non concernés par le jugement, tandis qu’elle veut faire appel de celui-ci.

Est-ce que le Gouvernement, de son côté, va saisir l’occasion de ce jugement pour stopper ce projet inutile, nuisible, coûteux et contesté et enfin donner toute la priorité aux transports du quotidien en Île-de-France ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Laurent, nous allons devoir effectivement acter un désaccord !

Vous l’avez rappelé, le projet Charles-de-Gaulle Express (CDG Express) consiste en une liaison ferroviaire directe en vingt minutes entre Paris et l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Il est conçu pour les besoins des passagers aériens, ainsi que pour ceux des très nombreux travailleurs de la plateforme aéroportuaire.

Le CDG Express est donc complémentaire, et non concurrent, des transports du quotidien, notamment du RER B.

Ainsi, ce n’est pas la mise en œuvre du Charles-de-Gaulle Express, mais plutôt son annulation, qui aurait des conséquences délétères sur les transports du quotidien. En effet, le projet finance par des recettes propres, ne pesant ni sur le contribuable ni sur les usagers franciliens, la réalisation d’opérations de renouvellement du réseau existant pour plus de 500 millions d’euros. Cela permettra d’améliorer l’ensemble des circulations sur cet axe.

De même, c’est l’annulation du CDG Express qui aurait un impact environnemental négatif. En effet, le projet s’inscrit dans une logique de report modal vers le fer et permettra l’économie de plus de 330 000 tonnes de CO2 sur cinquante ans. En outre, il utilise des voies existantes, minimisant ainsi l’impact de sa construction sur l’environnement.

Par ailleurs, je me dois de signaler que l’arrêt actuel des chantiers, s’il se prolonge, aura des conséquences opérationnelles sur les autres projets étroitement imbriqués avec le CDG Express – je pense notamment aux travaux de modernisation du réseau ferroviaire de l’axe nord menés notamment au profit du RER B. Ces conséquences sont en cours d’étude par SNCF Réseau, mais elles ne seront pas négligeables.

Enfin, je souhaite rappeler que l’effort de l’État pour les transports collectifs en Île-de-France est considérable. Au-delà du réseau du Grand Paris Express, qui représente plus de 40 milliards d’euros, le plan de relance ne prévoit pas moins de 670 millions d’euros d’ici à la fin de 2022 pour les transports collectifs franciliens. Ce montant s’ajoute aux 410 millions d’euros déjà prévus, ce qui constituera un investissement supplémentaire d’ici fin à la fin de 2022 de plus de 1 milliard d’euros.

Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas !

Vous dites que les deux projets sont complémentaires et non concurrents. En vérité, les choses sont beaucoup plus compliquées vu l’état de souffrance des transports du quotidien dans la région. Île-de-France Mobilités estime, en cas de réalisation du CDG Express, à 1,5 milliard d’euros le déficit de recettes lié à la perte de ponctualité sur le seul RER B.

En outre, comme vous avez lié les travaux de modernisation du RER B à ceux du CDG Express, ce sont les usagers du RER B qui sont pénalisés par l’arrêt actuel des travaux du CDG Express, alors même que les transports sont déjà en très grande souffrance.

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pierre Laurent. On pourrait très bien utiliser les recettes dégagées pour le CDG Express afin d’améliorer les transports du quotidien. Il y a beaucoup plus de contradictions que ce que vous indiquez, monsieur le ministre !

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