Pourquoi exonérer de droits de mutation une poignée de riches ménages ?

Pourquoi exonérer de droits de mutation une poignée de riches ménages ? - Accord fiscal entre la France et la principauté de Monaco (Pixabay)

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1962, à l’apogée de la crise avec la principauté monégasque, on prête au général de Gaulle la formule suivante : « Pour faire le blocus de Monaco, il suffit de deux panneaux de sens interdit. » (Sourires.) Sur les dons et les legs, il nous est aujourd’hui proposé d’enlever tous les panneaux ! N’entravons plus la circulation des capitaux entre le Rocher et la France ou, plus vraisemblablement, plutôt dans l’autre sens, entre la France et le Rocher !

M. Vincent Delahaye, rapporteur. Pas du tout ! C’est l’inverse !

M. Éric Bocquet. Arrêtons de nuire au rapprochement entre les peuples !

Le présent accord prévoit de réduire les recettes fiscales sur les successions sous couvert de financer de bonnes œuvres. Pourquoi conduire une réforme qui n’aurait, selon l’étude d’impact, qu’un effet très limité ? Le rôle du législateur n’est pas d’octroyer des avantages à une petite poignée de ménages souhaitant s’exonérer de leurs obligations fiscales sur leurs donations et leurs legs.

Comme pour nous réconforter, nous devrions être rassurés par le fait que « la réciprocité de l’exonération limite l’impact fiscal dans chacun des deux États ». Nous savons tous ici que les motifs invoqués peuvent interpeller : les mouvements de capitaux iront de Monaco vers la France.

Nous pourrions nous réjouir de cette possibilité, prévue par l’accord, que des dons ou legs de riches Monégasques soient faits au profit de collectivités locales françaises. Le département du Nord, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, saurait faire bon usage pour sa population de l’argent du Rocher. Il s’agirait incontestablement d’une bonne nouvelle !

M. Vincent Delahaye, rapporteur. Ça va venir !

M. Éric Bocquet. Un tel accord conforte encore le développement d’un financement privé du secteur associatif par les entreprises mécènes et les riches particuliers. Ainsi, en 2017, les entreprises ont versé 1,7 milliard d’euros au titre du mécénat, ce montant ayant doublé en sept années.

Les foyers fiscaux ont, quant à eux, déclaré 2,5 milliards d’euros de dons, dont la moitié provient du décile des ménages les plus aisés. Grâce aux profits que leur permettent de réaliser une multitude d’avantages fiscaux, certains ont les moyens de leur générosité…

Dans ce dispositif, le seul perdant sera l’État. Des chercheurs, MM. Depecker, Déplaude et Larchet – aucun rapport avec le président du Sénat ! –, résument admirablement cette situation : « À travers les avantages fiscaux dont ils font bénéficier les organisations philanthropiques, les États subventionnent, et donc soutiennent les stratégies de reproduction et de légitimation des élites économiques. »

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre l’approbation de cet accord.

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