Ce texte ne répond pas au fléau des intermédiaires étrangers

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis, après l’accord en commission mixte paritaire, pour traiter du sort des courtiers sans avoir l’assurance de la quelconque utilité des associations créées, ni même d’une quelconque capacité à protéger les consommateurs. Comme nous l’avions indiqué en première lecture, il ne s’agit pas d’installer des intermédiaires. Concurrentes entre elles, ces nouvelles associations ont un rôle flou et nous apparaissent sans réel objet.

La proposition de loi cultive une ambiguïté sur les « recommandations » que pourraient formuler les associations agréées. Il a été reconnu à ce sujet lors de la réunion de la commission mixte paritaire qu’il « en résultera une généralisation des bonnes pratiques commerciales, même en l’absence de vérification ou d’audit organisé par l’association ».

Pourtant, aujourd’hui, l’ACPR réalise des contrôles des bonnes pratiques commerciales. Elle a d’ailleurs mis en garde TCA Assurances pour ses pratiques commerciales « qui portent atteinte aux règles de bonnes pratiques de la profession ». En cause, le fait que ce courtier grossiste, spécialisé dans les structures subissant de plein fouet la crise sanitaire - restaurants, bars, discothèques… -, a « anticipé […] le renouvellement de contrats d’assurance souscrits auprès d’une société d’assurance opérant en France sous le régime de la libre prestation de services et dont il connaissait les graves difficultés financières ».

Cette affaire nous inspire deux réflexions.

Premier point : l’ACPR est une institution précieuse en matière de contrôle dont il aurait fallu renforcer les compétences et les moyens. Dans le même esprit, nous souhaitions accroître les prérogatives de l’Orias sur le contrôle de l’honorabilité. Cet amendement du Sénat a été écarté par la commission mixte paritaire au motif qu’il engendrerait un rallongement de la procédure d’embauche. La durée sera aussi longue si les associations agréées en ont la charge, et des risques sont présents s’il revient aux dirigeants d’attester sur l’honneur de l’honorabilité de leurs courtiers.

Second point : les courtiers en libre prestation de services, ou LPS, dont nous avions fait grand cas lors de la première lecture, sont encore en cause dans cette affaire. Il faut le contrôle attentif de l’ACPR pour mettre au jour leurs dérives. La proposition de loi ne remédiera en rien aux errements de ces acteurs, qui s’évaporent parfois dans les paradis fiscaux, pour la simple raison que leur adhésion n’est pas obligatoire. Cette inégalité entre les acteurs français de l’assurance et les intermédiaires étrangers en LPS constitue à nos yeux un des motifs pouvant fonder une censure du Conseil constitutionnel.

J’aimerais illustrer, à ce stade, grâce à un article de l’hebdomadaire Le Point, la détresse dans laquelle se trouvent les citoyens et les citoyennes tout comme les entreprises de construction de ce pays lorsqu’ils se rendent comptent des malversations de leurs assureurs.

Nous sommes en 2016 à Drusenheim, dans le Bas-Rhin, où trois familles acquièrent, pour plus de 650 000 euros, un lot de trois maisons en vente en état futur d’achèvement. La livraison, prévue plus d’un an plus tard, est compromise deux mois après le début des travaux, lorsque le promoteur Building cesse de payer les maçons. Le chantier s’est arrêté, mais les familles ont continué de payer, car le promoteur avait réalisé de fausses attestations de fin d’étapes de travaux et autres certifications. Résultat, il a été placé en liquidation judiciaire.

Les familles cherchent alors à récupérer leur garantie financière d’achèvement auprès de l’assureur choisi par le promoteur, obligé d’assumer le financement jusqu’à parfait achèvement des travaux. Celui-ci temporise sans envoyer d’expert, prétextant une perte de dossier et les familles doivent assigner les assurances impliquées. Aucun représentant des assurances ne se rendra à la première audience. Après avoir déboursé 10 000 euros de frais d’experts et de procédure, les familles constatent que l’assureur n’indemnise jamais, comme le déplore leur avocat.

M. Claude Kern. Tout à fait !

M. Éric Bocquet. L’histoire se répète. Les mêmes récits, les mêmes déceptions, souvent entre impuissance et abandon. Ce texte, à nos yeux, ne répond pas à ce fléau des intermédiaires étrangers en LPS qui gangrènent le marché français et laissent derrière eux des familles et des entreprises en proie au désespoir.

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