Une proposition louable, mais insuffisante

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est précisé, à la page 11 d’un rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la Drees, sur les bénéficiaires des APL, que « notamment en raison des minima sociaux, les bénéficiaires d’aides au logement pauvres sont aussi pauvres que l’ensemble des personnes pauvres. »

Si la tournure de phrase peut paraître quelque peu déconcertante, elle a au moins le mérite d’insister sur le niveau de précarité des allocataires des APL. C’est cette population qu’ont choisie nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires pour le versement d’une allocation de 100 euros pendant au maximum quatre mois.

C’est une réponse nécessaire et louable, mais que nous jugeons insuffisante.

Elle est insuffisante, parce que, pour certains ménages, elle pourrait être moins favorable que les aides du Gouvernement, qui englobaient les allocataires de plusieurs prestations sociales – allocation de solidarité spécifique, ou ASS, le RSA –, ainsi que les allocataires d’une aide au logement avec enfant. Outre cette restriction aux seuls allocataires des APL, qui pourrait créer une confusion entre personnes et ménages, l’aide serait d’un montant plus faible que l’aide gouvernementale.

Cette aide, qualifiée, dans le récent rapport du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le CNLE, de « goutte d’eau dans des océans de dénuement » – nous nous étions joints à ce constat – n’était pas une réponse adaptée pour les plus précaires.

Ainsi, lorsque, selon la version du Gouvernement, une famille au RSA de trois enfants percevait 450 euros pour le seul versement de novembre, elle touche 50 euros de plus que ce à quoi elle pourrait prétendre avec l’aide totale de nos collègues écologistes.

Cette réponse est insuffisante, ensuite, car l’un des objectifs de la proposition serait de remédier à la précarité manifeste et d’ampleur dans laquelle a basculé la jeunesse. Or, des 2,9 millions d’allocataires des APL, seulement 15 % ont moins de 29 ans et seulement 5 % sont étudiants, ce qui représente 133 000 allocataires. Ce dispositif manque donc en partie sa cible.

Nous notons ainsi qu’il n’y a rien pour les femmes et les hommes en proie à la grande précarité, qui, tout au long de la crise sanitaire, n’ont bénéficié que des quelques miettes que le Gouvernement a bien voulu leur concéder.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste avait proposé de revaloriser les bourses et les minima sociaux, d’ouvrir le RSA aux moins de 25 ans, de compenser à 100 % le dispositif d’activité partielle pour les travailleurs modestes. Il y aurait là de véritables réponses solidaires face à la crise sanitaire.

Quant au logement, le groupe CRCE a fait adopter, dans cet hémicycle, voilà quelque temps, une proposition de loi tendant à revenir sur le délai de carence et la réindexation des APL. Ces mesures auraient permis une revalorisation pérenne des aides, au plus près des réalités économiques de ceux qui en ont besoin.

Nous voterons en faveur de cette aide de 100 euros par mois, limitée aux trois ou quatre prochains mois, mais nous nous opposerons à son financement, prévu à l’article 2. En effet, le simple décalage d’un an de l’exonération de taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés ne constitue ni une réponse face à la crise ni une mesure de justice sociale.

Nous avions mené ardemment le combat contre cette réforme injuste, qui pèse sur les finances locales et profite aux plus aisés.

Prenons l’exemple de Maubeuge : dans cette ville, un tiers des foyers ne payaient pas la taxe d’habitation ; désormais, ces ménages la financent indirectement, via l’acquittement la TVA, qui s’applique à tous. Pourquoi transférer ainsi la charge sur les foyers précaires ?

Ainsi, à Maubeuge, sur un an, les 30 % les plus pauvres n’économisent que 160 euros et les 20 % les plus riches économisent plus d’un SMIC net ! Voilà à qui profite la réforme de la taxe d’habitation et voilà l’un de ses effets : l’aggravation des inégalités sociales.

Compte tenu de tous ces éléments d’analyse, nous ne voterons pas l’article 2.

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