Il est nécessaire d’évaluer précisément l’accumulation des mesures antiterroristes depuis trois décennies

Il est nécessaire d'évaluer précisément l'accumulation des mesures antiterroristes depuis trois décennies - Prévention d'actes de terrorisme et renseignement : articles additionnels après l'article 6 bis (Aloïs Moubax - https://www.pexels.com/fr-fr/@aloismoubax)

Avec cet amendement, nous souhaitons, au moment de clore les débats sur la partie de ce texte relative à l’antiterrorisme, poursuivre une réflexion que nous avons avancée dans la discussion générale.

Après plus de trente ans de législations antiterroristes, il est nécessaire de dresser un bilan sérieux des dispositifs à l’œuvre, afin d’évaluer, d’une part, leur efficacité en matière de lutte antiterroriste, et, d’autre part, les conséquences sur les libertés et droits fondamentaux de l’accumulation de ces lois.

Le 9 septembre 1986, voilà maintenant trente ans, la France se dotait de sa première législation en matière de lutte antiterroriste. À l’époque, cette loi instituait un régime dérogatoire au droit commun, en créant un corps spécialisé de magistrats. Depuis lors, de nombreuses réformes ont conduit à la mise en œuvre d’un régime procédural dérogatoire en matière d’enquêtes, ainsi qu’à la création de nouvelles infractions terroristes.

À la suite des attentats du 13 novembre 2015, le conseil des ministres a adopté un décret déclarant l’état d’urgence. En à peine deux ans, cet état d’urgence a été prorogé six fois, deux de ces prorogations ayant largement renforcé les dispositions de la loi.

La loi relative au renseignement a été adoptée le 24 juillet 2015 et la loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, le 3 juillet 2016.

En juillet 2017, le président Macron nous promettait une unique loi sur le sujet, laquelle venait entériner des dispositifs issus directement de l’état d’urgence et de son régime exorbitant du droit commun. Cela se poursuit aujourd’hui avec cette nouvelle loi et ces nouveaux dispositifs.

Ce texte va de nouveau très loin, comme l’ont souligné, dans une note d’alerte, les signataires du réseau Antiterrorisme, droits et libertés : « Le Gouvernement a perdu la boussole des principes de l’État de droit, en se réjouissant de l’hybridation des logiques administratives et judiciaires, et en considérant comme totalement superflu le principe selon lequel on ne saurait priver une personne de sa liberté que sur la base d’une infraction pénale précise, et strictement définie. »

Que l’on partage ou non ces appréciations, nous pouvons tous nous accorder, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, sur la nécessité de faire un bilan.

Il s’agit non pas de produire un rapport, car je sais que le Sénat n’est pas favorable à cette pratique, mais d’évaluer sérieusement trente années de lois antiterroristes. Sont-elles efficaces en matière de lutte antiterroriste ? Quels sont leurs effets s’agissant de l’évolution de notre État de droit ? Le Parlement s’honorerait à mener ce travail à bien.

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