Il est pertinent de demander aux autorités françaises de prendre une initiative en ce sens

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise sur l’initiative de Christian Cambon est la bienvenue.

Il est en effet plus que jamais nécessaire d’abaisser le niveau persistant des tensions entre les deux Corées, ainsi qu’entre la Corée du Nord et les États-Unis, dans une région indo-pacifique elle-même sous tension, et d’ouvrir enfin la voie à un traité de paix définitif pour toute la péninsule coréenne.

Il est grand temps, dans cette région et partout ailleurs, de franchir de nouvelles étapes pour progresser significativement sur la voie de la dénucléarisation du monde.

Il est donc bienvenu de demander aux autorités de notre pays de prendre des initiatives politiques en vue d’instaurer une paix durable entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, assorties de mesures de réduction des arsenaux nucléaires. Tout nous y invite : la situation dans la région et la tension nouvelle dans le monde, alors que l’escalade militaire et nucléaire est repartie de plus belle.

Entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, nous le savons, la paix n’a jamais été scellée. Depuis près de soixante-dix ans, la péninsule coréenne est coupée en deux, son peuple écartelé. Dix millions de familles restent séparées par la frontière. Les plaies d’un conflit qui a fait cinq millions de morts et de blessés et six millions et demi de réfugiés ne sont pas refermées. Un traité de paix marquerait un pas historique.

Depuis 2017, les discussions ont repris, mais les dirigeants nord et sud-coréens successifs et les dirigeants états-uniens ont soufflé tour à tour le chaud et le froid, laissant un temps espérer l’avancée du dialogue, envoyant à d’autres moments des signaux d’alerte et d’escalade. Nous assistons successivement à des réchauffements et à des coups d’arrêt. Au total, la région reste une inquiétante poudrière.

Est-il possible d’avancer réellement vers une paix durable ?

Oui, les avancées enregistrées justifient de reprendre l’initiative. Durant sa campagne électorale, le président sud-coréen Moon Jae-in s’est appuyé sur une politique de la main tendue.

L’échéance olympique de 2018 à Pyongyang avait permis des échanges de lettres et – image symbolique ! – la création d’une équipe commune de hockey sur glace.

Le sommet intercoréen et la déclaration de Panmunjom, soutenue quelques mois plus tard par la déclaration coréo-états-unienne de Singapour, ont ouvert des perspectives.

Enfin, la réouverture des canaux diplomatiques entre le nord et le sud au mois de juillet dernier mérite d’être soulignée.

Toutefois, malgré ces marqueurs forts, les zones d’ombre restent elles aussi majeures.

Le sommet de Hanoï en 2019 entre Donald Trump et Kim Jong-un a montré que la tension demeurait forte entre Pyongyang et Washington. Les États-Unis veulent plus que le seul démantèlement du complexe de Yongbyon. Pyongyang ne peut accepter le renvoi à des discussions ultérieures de la suspension des sanctions internationales.

Surtout, la reprise de la course aux armements, au sud comme au nord, est inquiétante. L’escalade très rapide dans la péninsule coréenne atteint un point critique.

Séoul s’est engagé dans une politique de développement balistique, a développé des exercices d’ampleur avec les États-Unis, lesquels sont censés prévenir une improbable invasion terrestre par le nord, et fait désormais partie du cercle très fermé des pays disposant d’avions de chasse supersoniques.

La Corée du Nord n’est pas en reste. Pyongyang souhaite développer son arsenal nucléaire, multiplie les démonstrations en la matière et augmente ses capacités balistiques. L’entrée de la Corée du Nord dans le club des pays nucléaires accroîtrait tous les dangers, mais toute tentative de dissuasion nécessiterait un cercle vertueux de paix et de désarmement mutuel.

Il est donc grand temps de reprendre l’initiative, comme le propose l’auteur de cette proposition de résolution.

Le contexte s’y prête. La prochaine conférence d’examen des parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) sera ainsi l’occasion de prendre cette initiative.

Par ailleurs, la déclaration conjointe que viennent de publier les chefs d’État des cinq puissances nucléaires du Conseil de sécurité des Nations unies est un encouragement.

On peut bien sûr la juger formelle, voire hypocrite, à l’heure où ces cinq puissances ont toutes engagé des frais de modernisation de leurs arsenaux nucléaires, y compris la France, qui aura dépensé 37 milliards d’euros pour moderniser le sien au terme de la loi de programmation militaire.

Nous y voyons plutôt le résultat de la poussée en faveur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, que ces puissances ont certes refusé de signer au nom de leur attachement au TNP, mais qui a le mérite de placer lesdites puissances face à leurs responsabilités : elles se doivent d’appliquer enfin son volet relatif à la dénucléarisation, lequel a jusqu’ici été largement laissé en friche.

Il faut aujourd’hui passer de la parole aux actes. Les urgences de la planète appellent le désarmement nucléaire. La péninsule coréenne n’est évidemment pas la seule concernée, mais sa dénucléarisation constituerait un signal fort et un encouragement à réduire les arsenaux nucléaires dans le monde entier.

M. le président. Il faut conclure.

M. Pierre Laurent. Pour toutes ces raisons, nous voterons cette proposition de résolution.

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