Solidarité et renouvellement urbains : explication de vote

par Pierre Lefebvre

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, au terme de la discussion de ce projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, il est, à l’évidence, relativement complexe de traduire en quelques minutes le détail des impressions ressenties ou des argumentations présentées au cours de la discussion des articles.

Notre groupe s’est inscrit dans une démarche d’amélioration du contenu d’un texte que le débat en première lecture avait d’ores et déjà permis de placer dans une perspective positive.

Il est vrai que, confrontés aux enjeux tout à fait particuliers de la politique de la ville, à la question cruciale du développement du transport urbain ou encore au nécessaire toilettage d’un code de l’urbanisme particulièrement hétéroclite, nous nous devions de faire, dans ce débat, propositions et avancées, en traduisant, notamment dans nos amendements, les aspirations des citoyens et de leurs associations.

Le point nodal de la politique de la ville réside en effet, selon nous, dans la participation grandissante des premiers intéressés, les habitants, aux décisions qui influent directement sur leur vie quotidienne. Et l’on pourrait d’ailleurs définir une ligne de partage entre ceux qui souhaitent que soit entendue et traduite dans la loi cette aspiration et ceux pour lesquels ce renforcement du débat démocratique est vécu comme une entrave à la mise en oeuvre d’une politique.

Nous avions caractérisé le projet de loi qui nous est soumis en affirmant que sa finalité était de rendre la ville à ses habitants. Cette observation liminaire garde toute sa portée, surtout au terme de l’examen du projet de loi par notre Haute Assemblée.

Cet examen, pour m’en tenir à quelques aspects, s’est caractérisé, de notre point de vue, par un souci manifeste de limiter la capacité d’intervention des citoyens face aux enjeux de la politique de la ville.

Ainsi, le titre Ier du projet de loi a fait l’objet de nombreuses modifications tendant notamment à limiter les facultés d’intervention des associations, tandis que le recours juridique a été fortement mis en question et quasiment " pénalisé ".

De même, certaines préoccupations urbanistiques, manifestement inspirées avant tout par les soucis de certains aménageurs ou promoteurs, semblent avoir trouvé plus de place dans le débat que celles qui sont fondées sur un juste équilibre entre aménagement du territoire, développement économique et respect de l’environnement et du cadre de vie.

S’agissant du titre II, je ne reviendrai évidemment pas sur le débat, parfois nauséeux, que certains ont souhaité ouvrir sur la notion et la définition du logement social, comme pour tenter de se dédouaner d’avoir mené, ces dernières années, des politiques urbaines ségrégatives où l’exclusion sociale le disputait au mépris des besoins de la population.

Qu’on le veuille ou non, la demande sociale en matière de logement est particulièrement forte, y compris dans ces villes dites favorisées, dont certains ont défendu bec et ongles l’égoïsme de classe, et elle ne peut trouver de réponse qu’au travers d’une forte implication juridique et de financements adaptés.

S’agissant du titre III, relatif aux transports publics, vous me permettrez de souligner qu’il est assez évident que le consensus qui semblait initialement devoir se dessiner sur ces questions s’est trouvé clairement remis en question, dès lors que certains ont souhaité pousser à la roue de la privatisation des services publics de transport et au démantèlement des critères de service public au profit de ceux de la rentabilité.

Enfin, concernant le titre IV, là encore, nous avons pu constater que la majorité sénatoriale s’est clairement positionnée en mettant en place une opposition, sur le fond tout à fait discutable de notre point de vue, entre accession sociale à la propriété et construction de logements locatifs sociaux et a réduit la portée des dispositions du projet relatives à la lutte contre l’insalubrité. Cette position, assez clairement idéologique et pour autant souvent présentée au bénéfice du pragmatisme et de la connaissance du terrain, ne peut évidemment recevoir notre assentiment.

On ne peut en effet transiger quand il s’agit de lutter contre des conditions de logement indignes de notre époque, quand il s’agit de déterminer clairement les responsabilités en cette matière et les procédures qu’il convient dès lors de mettre en oeuvre.

De la même manière, la dissolution de l’objet social des organismes d’HLM dans un magma plus ou moins imprécis d’interventions immobilières diverses et variées ne peut recevoir notre accord.

Le secteur HLM, qui loge aujourd’hui bien mieux ses locataires que ne peut le faire parfois le secteur dit " libre ", n’a pas vocation, de notre point de vue, à venir systématiquement au secours d’un marché immobilier de plus en plus segmenté et qui ne répond pas aux besoins collectifs qui s’expriment. Il n’a pas, en particulier, vocation à porter les risques que l’on souhaiterait lui faire prendre à la place des investisseurs, notamment en matière de maîtrise d’ouvrage ou de gestion déléguée. Il doit relever encore plus les défis de la qualité, tant dans les conditions d’habitat que dans le dialogue avec les locataires et bénéficier de l’attention vigilante des pouvoirs publics pour faire face aux besoins.

Compte tenu de ces observations, vous comprendrez, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, que nous ne pouvons évidemment pas voter le texte issu des travaux de notre Haute Assemblée. Le groupe des sénateurs et sénatrices communistes républicains et citoyens votera donc contre ce texte.

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