Loi d’orientation agricole : filière canne à sucre de La Réunion

Loi d'orientation agricole : filière canne à sucre de La Réunion (Flambo - https://www.pexels.com/fr-fr/@flambo-388007)

Lors de la discussion du projet de loi d’orientation agricole à l’Assemblée nationale, Mme Bello, ma collègue de la Réunion, a fait voter un amendement supprimant le système du colonat. Ce régime, hérité du Moyen-Âge, étendu chez nous pendant la période coloniale, perdure encore, bien que de nombreux parlementaires en demandent, depuis des décennies, la suppression. Il y a 60 ans déjà, les députés réunionnais de l’Assemblée constituante déposaient un projet de résolution visant à améliorer le sort des colons réunionnais. J’appelle donc mes collègues à accepter la modification proposée afin de rendre justice à un combat mené depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Cette avancée intervient cependant dans un contexte particulier, marqué par de multiples inquiétudes.
Le 22 novembre, le Conseil des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne se prononcera définitivement sur le projet de réforme de l’O.C.M.-sucre qui lui est soumis.

La baisse de 39 % du prix du sucre aurait pour contrepartie, une compensation financière qui ne couvrirait que 60 % des pertes de revenus des producteurs.
Quant aux industriels ils ne sont pas assurés de recevoir toute l’aide pour transporter vers l’Europe le sucre aux fins de raffinage.

De telles remises en cause inquiètent et déstabilisent profondément les acteurs de la filière canne- sucre à la Réunion.

Alors que tout augmente : prix des matières premières, engrais, herbicides, salaires, etc. comment les planteurs pourront-ils supporter une telle baisse du prix du sucre ? Comment cette baisse sera-t-elle répercutée sur le prix de la tonne de cannes, prix dont la fixation, depuis la convention tripartite signée il y a 10 ans, ne dépend pas de Bruxelles mais d’une décision concertée de l’État, des planteurs et des industriels ?

Si rien n’était fait pour parer un choc d’une telle ampleur, il se produirait une catastrophe économique, sociale, écologique et énergétique ! Dans la situation de chômage aggravé qu’elle connaît aujourd’hui, notre île n’est pas en mesure de supporter les bouleversements qui s’annoncent.

Nul ne peut envisager de se priver d’une activité donnant du travail à des milliers de producteurs, contribuant à notre production d’énergie grâce à la bagasse et demeurant notre meilleur moyen de protéger les sols contre l’érosion.

À plusieurs reprises, le gouvernement nous a assuré qu’il se battrait à Bruxelles pour obtenir les meilleures solutions possibles, et la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés s’est fortement exprimée au cours de la dernière période.

Afin de proposer des préconisations à Bruxelles, la réalisation d’un audit sur les richesses produites, sur leur montant et sur leur répartition, dont l’État doit prendre la responsabilité, s’impose. Par l’intermédiaire des services fiscaux, de la douane, de la direction de l’agriculture et des forêts, il dispose déjà d’une grande partie des éléments nécessaires à cette étude. Chaque partenaire peut ensuite les compléter et les préciser. Les planteurs, par exemple, donneraient des informations sur leurs coûts de production. Les industriels en feraient autant et indiqueraient la plus-value réalisée par les deux usines produisant de l’énergie à partir de la bagasse et du charbon, et sur tous les autres produits dérivés de la canne. On pourrait mesurer les évaluations constatées depuis la mise en œuvre du règlement sucrier en cours et, ainsi, estimer comment se présentera la situation au cours des quatre campagnes durant lesquelles s’étalera la réforme.

Cet audit, à conduire dans la plus complète transparence afin de créer un climat de confiance, aidera à déterminer les efforts que chacun des acteurs de la filière pourra raisonnablement consentir. Je vous saurais donc gré, monsieur le Ministre, de me faire part de votre sentiment à ce sujet.

Nous ne devons ni nourrir d’illusions ni céder au catastrophisme. Il faut sauver la filière canne, les petits et moyens planteurs ainsi que les usiniers, tant leurs sorts respectifs sont étroitement liés. Rien n’est encore perdu, monsieur le Ministre, mais il faut agir vite. Et vous pouvez compter sur notre engagement et nos propositions pour préserver, autant que possible, l’agriculture réunionnaise de la crise sans précédent qui la menace.

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