Egalité des chances et CPE : conclusions de la commission mixte paritaire, explication de vote

Egalité des chances et CPE : conclusions de la commission mixte paritaire, explication de vote (Jeanne Menjoulet - https://www.flickr.com/photos/jmenj/)

Vous n’avez qu’une obsession : faire adopter cette loi le plus vite possible, avant que le mouvement populaire ne se développe encore plus. Il y a là quelque chose de surréaliste pour notre démocratie : vous malmenez la représentation nationale pour faire adopter une loi, condamnée par l’opinion publique avant même sa promulgation.

Vous donnez ainsi l’illusion d’une victoire législative, alors que vous êtes battus sur le terrain politique.

Plus vous vous expliquez sur cette loi et plus le mécontentement grandit.

Vous voulez renfermer la jeunesse dans des contrats contraires aux règles de notre pacte social. Elle vous rappelle à l’ordre, et brandit un carton jaune. Attention au rouge. Elle est l’avenir, et en tentant de la casser c’est notre pays que vous cassez.

En se mobilisant, comme elle le fait, elle porte loin le principe de solidarité qui fonde notre République.

Elle ne supporte pas vos attaques contre les plus démunis, et elle refuse d’être livrée pieds et poings liés à un patronat déresponsabilisé. Elle n’accepte pas que ces contrats précaires servent de laboratoire avant d’être étendus à tous les salariés.

Elle nous donne une leçon de citoyenneté. On la disait apathique, infantilisée, individualiste et même fainéante, tout en la considérant comme déviante, potentiellement délinquante et donc dangereuse. Tous les fantasmes ont été charriés à son encontre et nous la voyons responsable, motivée, enthousiaste et pleine d’énergie, reprenant le flambeau de la lutte pour l’égalité des droits et la fraternité.

Et pourtant, du premier au dernier article de cette loi, vous vous attaquez à elle.

Vous commencez par l’exclure du cycle normal de l’école dès quatorze ans. À partir de quinze ans, fini les rencontres entre amis, le sport, et les sorties, c’est-à-dire une certaine forme d’insouciance. Vous rétablissez le travail de nuit et de week-end, pour ceux qui cumulent déjà le plus de handicaps.

Puis, à la sortie des études, vous lui imposez un contrat première embauche, qui pourra dans certains cas être renouvelé pendant dix ans. Les années de galères sont légalisées, organisées et structurées. Jusqu’à vingt-six ans, la peur du lendemain sera la règle. Il sera impossible de vivre autonome, de prendre son envol, de s’établir dans la société puis de mener une vie de couple et de famille. Alors que notre société se fissure, sous les coups des discriminations de toutes sortes, vous mettez les jeunes à l’index, vous les enfermez dans des statuts dérogatoires et discriminants. Ils devront expier collectivement leur faute d’être jeunes inexpérimentés et sortis d’un système éducatif qui les aurait mal préparés à la vie professionnelle.

Quant aux autres actes discriminants et vexatoires, vous dépénalisez leur sanction. Ce n’est plus la justice qui dira le droit bafoué et qui rétablira l’honneur de la personne humiliée.

Une instance administrative pourra mener des tractations avec les contrevenants.

Au nom de l’égalité affichée, vous instaurez un ensemble de procédures dérogatoires.

Vous prenez le risque d’un développement séparé du reste de la société.

Vous culpabilisez et condamnez les parents les plus en difficulté, en supprimant les ressources qui leur permettent de vivre. Toute la famille en souffrira, et surtout les frères et les sœurs. C’est une punition collective contraire à notre droit fondamental. Pour de nombreux jeunes, le C.P.E. c’est le « contrat précarité étendue », le « contrat première exploitation » ou encore le « contrat première embûche ». Le rejet de la jeunesse ne pourra qu’aller croissant. C’est pourquoi vous avez voulu accélérer l’adoption de ce texte. Le gouvernement comptait sur l’effritement du mouvement : c’est raté.

Nous disons à la jeunesse qu’elle a raison de croire que d’autres solutions sont possibles, fondées sur le respect de la solidarité. Elles passent par l’émergence de droits nouveaux, la prise en compte de la formation initiale et continue. L’insertion professionnelle est possible : c’est affaire de volonté et de choix politique.

La jeunesse a raison de se mobiliser. Qu’elle sache qu’elle a toute notre confiance et qu’elle est digne de porter l’avenir. C’est pourquoi nous voterons résolument, en son nom, contre cette loi.

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