Crise de la filière viticole française
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,
La crise de la viticulture ne date pas d’hier, puisque depuis 2000, les cours ne cessent de chuter.
Derrière une profession touchée au coeur, même s’il existe des différences d’intensité de la crise selon les régions et les produits, se cachent des hommes et des femmes, des familles, qui souffrent et se révoltent, à juste titre.
Ils aiment leur métier, ils s’accrochent à leurs terres, à leurs vignes, ils ont une grande dignité. Ce n’est que quand ils n’ont plus le choix qu’ils se résignent à solliciter (par centaines) le RMI pour survivre.
Le 15 février dernier, par milliers, ils ont défilé à Narbonne, à Béziers, à Nîmes, à Avignon et à Bordeaux. Endettés par la chute des cours, les vignerons l’ont mauvaise, en particulier dans le Languedoc-Roussillon ou après avoir arraché des milliers d’hectares et amélioré la qualité des vins produits, c’est encore à eux qu’il est demandé de nouveaux efforts.
Quelle est la nature de cette crise profonde ?
Une crise des débouchés intérieurs et extérieurs tout d’abord : sur le plan intérieur, la consommation qui est d’environ 34 milliers d’hectolitres, baisse continuellement à la fois pour des raisons d’évolution du goût, des modes de vie, des modèles médiatiques, mais aussi, pour des raisons de prix, car le vin est très souvent mal payé aux producteurs, mais il est revendu au prix fort par la grande distribution qui assure 75% de la revente aux ménages.
D’un côté, 34+15 milliers d’hectolitres, soit 49 milliers d’hectolitres, de l’autre, une production nationale moyenne de 55 milliers d’hectolitres et 5 milliers d’hectolitres d’importations, soit 60 milliers d’hectolitres. La crise des débouchés porte donc sur environ 10 milliers d’hectolitres.
Les espoirs de la profession portent sur un regain crédible de consommation nationale, mais surtout, sur la relance de l’exportation. Relance qui nécessite une véritable révolution culturelle vinicole, aujourd’hui au milieu du gué, afin de répondre à la demande des pays non-producteurs en particulier.
Cette relance appelle des aides beaucoup plus conséquentes de la part de l’Etat pour conquérir les nouveaux marchés.
L’adaptation de la viticulture française aux nouveaux enjeux mondiaux nécessite encore quelques années et c’est pour franchir ce cap que les vignerons demandent des aides au gouvernement et à l’Europe.
Parmi les handicaps inhérents à la viticulture française, le rapport sénatorial de nos collègues DELFAU et CESAR pointait en 2001-2002, je cite :
Tout ceci, la profession l’a bien compris et subit de plein fouet les effets de la mondialisation, s’adapter sans perdre son âme et en maintenant le potentiel de production et les hommes qui sont le gage de la vie et de l’aménagement de nos territoires, telle est l’équation à résoudre dans les meilleurs délais. Accompagner ou se plier aux effets de la mondialisation risque de conduire des milliers de viticulteurs à la faillite et de laisser des dizaines de milliers d’hectares à la friche, car très souvent, c’est terres ne peuvent produire que de la vigne.
Il convient donc de contrer cette mondialisation, où concurrence sauvage et anéantissement de l’autre sont les maîtres mots.
Le rapport sénatorial consacré à l’avenir de la viticulture française avançait 5 axes de préconisations au regard des constats et handicaps pré-cités.
Le premier axe, intitulé « investir largement dans la qualité », invitait à poursuivre la restructuration du vignoble, à maîtriser les rendements, à diffuser les bonnes pratiques culturales et à réformer l’agrément des vins.
Le second axe visait à rendre « l’offre plus lisible et plus visible » en réclamant les catégories et en améliorant l’étiquetage.
Le troisième axe mettait « le consommateur au centre des préoccupations », afin de passer d’une culture de l’offre à une culture de la demande en produisant le vin qu’ils souhaitent.
Le quatrième axe proposait un « accompagnement par une politique viticole adaptée » et préconisait la distillation obligatoire de crise, la répartition par état du contingent ouvert au titre de la distillation alcool de bouche et un régime d’arrachage temporaire.
Enfin, le cinquième axe évoquait le sujet très controversé de « vin et santé » et de la diffusion des acquis scientifiques dans le cadre d’une consommation modérée de vin. Sans vouloir provoquer, PASTEUR ne disait-il pas « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons ».
Toutes ces propositions sont nécessaires, mais elles ont un coût que seule, la profession ne peut supporter, et particulièrement en cette période de chute des cours et de nécessaire gestion des excédents qui atteignent les 11 milliers d’hectolitres.
Certes, chaque année, l’Etat apporte des aides pour adapter la viticulture française au marché mondial, mais ces aides semblent très insuffisantes, au regard des besoins. Les 90 milliers d’euros proposés par votre ministère, M. BUSSEREAU, pourrait, selon Jean HUILLET, le Président de la Confédération nationale des vins de pays, servir à financer la distillation des 11 milliers d’hectolitres en excédent, ce qui montre qu’ils ne sont pas suffisants. Quant aux aides à la promotion venant de l’Etat, soit 12 milliers d’euros, elle est équivalente à ce qu’apporte seule la région Languedoc-Roussillon.
L’urgence désormais semble être de réunir les producteurs dans ce que nous pourrions appeler un grenelle de la viticulture, afin de faire valoir la notion même de l’intérêt national.
Il ne faut pas confier la gestion de la crise au monde du négoce, M. le Ministre, sinon c’est la mort des vignerons et de leurs territoires.