Promotion de l’autopartage

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Tout d’abord, je souhaiterais vous faire part de ma satisfaction de débattre aujourd’hui d’une proposition de loi.
Il faut, en effet, bien avouer que l’ordre du jour du Sénat ne laisse que peu de place à l’initiative parlementaire, et particulièrement lorsqu’il s’agit de proposition émanant de l’opposition.

Je profite donc de cette occasion pour exprimer, au nom du groupe communiste, républicain et citoyen, le souhait de voir inscrire plus régulièrement à l’ordre du jour des propositions de loi émanant des groupes d’opposition afin de respecter le pluralisme démocratique.
La proposition de loi dont nous avons à débattre aujourd’hui tend à promouvoir l’autopartage.

Le groupe communiste, républicain et citoyen ne peut qu’être en accord avec une telle proposition dont l’objectif est de répondre à un double impératif :
 celui de limiter les dépenses énergétiques afin de réduire l’émission de gaz à effet de serre ;
 et celui de permettre une meilleure mobilité en milieu urbain.
En effet, ce dispositif favorise à la fois la réduction du nombre de voitures et l’optimisation de leur utilisation. Il complète très utilement les initiatives de covoiturage.

Il appelle également la promotion d’une nouvelle conception de l’usage de la voiture, celle-ci n’étant plus conçue uniquement comme un bien individuel exclusif mais comme un service répondant à un besoin ponctuel.
En outre, ce procédé est particulièrement économique pour l’usager et permet à un plus grand nombre de personnes d’avoir accès à l’usage d’une voiture.
Ces avantages significatifs expliquent que ce dispositif soit très répandu dans certains pays européens. Il compte en effet 200 000 utilisateurs dont 70 000 en Suisse.

Ce n’est pas encore le cas en France, ce qui justifie le recours à une loi pour favoriser son développement.
Je me réjouis que cette proposition de loi ait fait l’unanimité lors du débat à la commission des affaires économiques. J’espère qu’il en sera ainsi dans notre hémicycle.

Cependant, dans l’exposé des motifs il est fait clairement référence au respect du protocole de Kyoto. Si nul ne peut contester que cette loi y contribuerait, à sa dimension, il convient de rappeler que le respect du protocole de Kyoto nécessite surtout la mise en oeuvre d’une politique énergétique ambitieuse à la fois économe en ressources fossiles mais également capable d’anticiper le passage à une société post pétrolière. Et sur ce point nos avis divergent davantage.

Rappelons d’abord à ce sujet que nos sociétés restent extrêmement dépendantes de l’énergie pétrolière.
Il ne faut pas oublier non plus que la demande énergétique explose au niveau mondial et qu’il nous faut pourtant, dans ce cadre, garantir le droit d’accès de tous à l’énergie.
Dès lors, contribuer à la préservation des ressources fossiles comme nous le propose cette loi est évidemment indispensable. Cependant, cette seule mesure ne suffira pas, bien sûr, à répondre à l’ensemble de la crise énergétique.

La mise en concurrence des entreprises du secteur énergétique, l’abandon de la maîtrise publique et la diminution ininterrompue de l’effort de recherche sont les causes profondes de la crise énergétique.
Les exemples dont nous disposons au niveau du secteur pétrolier devraient en ce sens nous inciter à la prudence. La gestion de ce secteur a été laissée aux seules mains du marché. Nous en connaissons le résultat particulièrement préoccupant.

Ainsi, l’effort de recherche de ces entreprises est quasi nul et la production se fait à flux tendu ne garantissant donc pas de sécurité d’approvisionnement.
De plus, ce système a démontré l’incapacité du marché à anticiper l’épuisement des ressources et donc une gestion économe de celle-ci.

Et nous ne pouvons que constater une hausse généralisée des tarifs des produits pétroliers, hausse essentiellement liée à la spéculation.
Sans oublier, puisqu’il s’agit là de la justification même de cette proposition de loi, l’absence complète de prise en compte des impératifs liés à la protection de l’environnement et notamment à l’émission de gaz à effet de serre.
Dans le modèle libéral, la politique industrielle des entreprises se réduit principalement à deux notions : rentabilité et compétitivité. La prise en compte des impératifs environnementaux est donc, dans ce cadre, particulièrement difficile.

Pourtant, les institutions européennes et le gouvernement français continuent d’organiser la libéralisation du secteur énergétique. Lors du dernier conseil européen de Bruxelles, les 23 et 24 mars, les chefs d’état ont confirmé leur volonté de parachever l’ouverture du marché de l’énergie pour tous les consommateurs avant le second semestre 2007.

Les sénateurs du groupe communiste et républicains proposent, quant à eux, la création d’un grand service de l’énergie au niveau européen fondé sur la mutualisation et la coopération de services publics nationaux, seuls capables de réaliser les investissements nécessaires pour répondre aux besoins énergétiques à venir dans le respect de l’intérêt général et du protocole de Kyoto.

La maîtrise publique de l’énergie est un élément clef du développement durable.
De même, pour atteindre les effectifs fixés par ce protocole, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 5 % sur la période 2008/2012 par rapport au niveau de 1990, nous ne pouvons nous passer d’une politique ambitieuse pour améliorer l’efficacité énergétique des transports.

Or, selon la mission interministérielle de l’effet de serre, les transports sont les premiers émetteurs de gaz incriminés.
Dans ce sens, la promotion de l’autopartage correspond également à une piste de réflexion intéressante afin de réconcilier développement économique et social, protection de l’environnement et conservation des ressources naturelles.

Et parce que le transport routier est le principal responsable de l’émission des gaz à effet de serre, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen, estiment qu’il est tout aussi urgent de donner une priorité réelle au ferroutage, au transport maritime et aux transports collectifs .
Mais nous ne pouvons que constater une nouvelle fois l’absence d’engagement des pouvoirs publics au niveau européen et français afin de réduire l’avantage concurrentiel du transport de marchandise par la route par rapport au fret ferroviaire.

La politique actuelle des transports est une politique de réduction de l’outil de production lorsqu’il n’est pas jugé rentable et, par conséquence, interdit tout développement du fret ferroviaire ou du transport combiné.
Cette logique de réduction des coûts et de rentabilité économique est d’ailleurs particulièrement bien illustrée par le plan fret qui tend à la contraction du réseau.

Ainsi dans le budget 2006, les subventions accordées au transport ferroviaire sont en nette diminution, cette mission perd près d’un milliard d’€ de crédit.
La route reste alors le mode de transport de marchandises dominant puisqu’il véhicule 79% des marchandises hors transit, avec des externalités négatives considérables puisqu’elles coûtent chaque année en Europe 650 milliards d’euros et des exonérations toujours plus importantes.

Parallèlement, la part du rail dans le transport de marchandise en France ne cesse de décroître. Elle est passé de 26% en 1984 à 12 % en 2004.
Il s’agit donc d’un autre levier d’action essentiel pour respecter le protocole de Kyoto !
Enfin, si la promotion de l’autopartage correspond à une amélioration de l’offre de transport, cette mesure doit s’accompagner de mesures fortes pour le développement des transports collectifs publics.
Il faut mettre en oeuvre des complémentarités entre les offres de transports et non une concurrence comme le propose le nouveau règlement sur les transports urbains ou le troisième paquet ferroviaire.

Nous voterons donc sans réserve cette loi, même si nous avons conscience que cette mesure n’est qu’un élément de réponse face à l’ensemble des enjeux énergétiques et de développement des transports qui nécessiterait un engagement majoritaire de cette assemblée pour mettre un point d’arrêt au processus de libéralisation de ces secteurs et l’engagement d’investissements nécessaires afin de permettre le rééquilibrage entre la route et le rail et pour la promotion d’une véritable offre de transport public.
Merci de votre attention.

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