Extradition entre les états de l’Union Européenne

Extradition entre les états de l'Union Européenne (Aloïs Moubax - https://www.pexels.com/fr-fr/@aloismoubax)

par Hélène Luc

Mes chers collègues, les deux conventions soumises aujourd’hui à ratification résultent, comme l’ont souligné M. le rapporteur et M. le secrétaire d’Etat, du besoin impérieux d’une coopération judiciaire plus efficace entre les pays de l’Union européenne.

Les récents événements qui ont bouleversé l’équilibre international, au premier rang desquels figure la menace terroriste, nous ont fait prendre conscience de la nécessité de se doter de moyens plus efficaces de lutte et de protection. Nous oeuvrons tous pour que ces moyens soient mis en place dans les meilleures conditions.
Cette convention contient donc des mesures positives. Mais, à côté de ces mesures indispensables, il faut que les droits des personnes faisant l’objet d’une demande d’extradition soient au mieux préservés.

Pour illustrer mon propos, je ne prendrai ici qu’un seul exemple qui a trait à la procédure simplifiée d’extradition, plus particulièrement au volet consacré au consentement de la personne.
Avec l’entrée en vigueur de la convention, le consentement de la personne sera recueilli par la chambre d’instruction et consigné dans un procès-verbal en ce qui concerne la France. Il n’est nullement stipulé que cette personne pourra être ou, pour être plus précise, sera obligatoirement assistée d’un avocat et, dans l’éventualité d’un ressortissant étranger ne parlant pas le français, d’un interprète.
Or, monsieur le secrétaire d’Etat, nous nous devons de tout faire afin que les droits de la personne soient respectés et pour permettre que ce consentement soit recueilli dans les meilleures conditions. C’est pourquoi l’absence d’un avocat ou d’un interprète pourrait être fort préjudiciable et pourrait faire subsister un doute quant à l’obtention du consentement.
Ainsi, j’espère, monsieur le secrétaire d’Etat, que la France s’efforcera d’éviter tout écueil en la matière.
D’une manière plus générale, et par le fait d’une coïncidence malheureuse, j’aimerais rappeler ma vive préoccupation après la décision du gouvernement français de reconsidérer l’engagement pris par notre pays de ne pas extrader des ressortissants italiens.
Paolo Persichetti a ainsi été livré aux autorités italiennes en août dernier, alors qu’il avait refait sa vie en France, pays dans lequel il pensait, à tort, trouver une deuxième chance.
Son cas n’est pas isolé, ils sont plusieurs à attendre dans l’angoisse du lendemain. D’autres ressortissants italiens sont, aujourd’hui, en France, passibles d’une mesure d’extradition.

La grande majorité d’entre eux s’est d’ailleurs parfaitement intégrée à la société française. Pourtant, monsieur le secrétaire d’Etat, cela ne semble pas suffire ; leur passé, avec lequel ils ont rompu, revient sur le devant de la scène pour mieux leur rappeler qu’il n’y a pas de rédemption possible. Je ne veux pas que ce soit cette image qui soit véhiculée, car ce n’est pas l’image de la France que je connais. La France doit être un pays juste ; c’est pourquoi, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, j’invite le Gouvernement à appliquer avec la plus grande circonspection les règles en matière d’extradition, et encore plus maintenant avec la ratification de ces deux conventions.
A trop vouloir en faire, nous risquons - et il ne le faut pas ! - de tomber dans une logique ultrasécuritaire trop éloignée des réalités, une logique selon laquelle l’abus prendrait le dessus sur le raisonnable.
Le groupe communiste républicain et citoyen a finalement décidé de s’abstenir sur ce texte, non pas que nous minimisions les problèmes inhérents à la lutte contre le terrorisme, bien au contraire - vous le savez -, non pas que nous ne soyons pas conscients de la nécessité d’une coopération judiciaire entre les pays européens, mais parce que, dans ces textes, nombre de points nous semblent sensibles par rapport au respect des libertés individuelles. En raison du temps qui m’est imparti, je n’ai pas pu ici les énumérer tous. Ils touchent notamment l’échelle des peines entre les deux pays, le problème des nationaux ou encore celui des mineurs, sans compter la possibilité du refus d’extradition.

Nous ne voulons pas, et nous ne devons pas oublier, monsieur le secrétaire d’Etat, que l’Europe doit aussi, et surtout, être porteuse de liberté, et que la France doit en être le digne porte-parole !

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