Loi de finances pour 2008 : développement et régulation économiques

Loi de finances pour 2008 : développement et régulation économiques

Alors que vous avez établi ce budget en tablant sur une prévision de croissance de 2 % à 2,5 %, celle de l’Insee ne dépasse pas 1,8 %. Mais la croissance n’est-elle pas, depuis plusieurs années, votre arlésienne ? Sans compter que la croissance n’a de sens que si la valeur ajoutée est équitablement redistribuée dans les salaires. Car c’est la consommation des ménages qui en reste aujourd’hui le moteur et c’est bien pourquoi il serait plus que temps de garantir le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Mais alors que vous prétendez l’avoir mis au coeur de votre action, qu’il est le sujet préféré des discours incantatoires du Président de la République, les crédits des actions 2 et 5, dédiées à la protection et à la sécurité des consommateurs, sont en chute libre : -4,9 millions et -5,7 millions respectivement. Quelle provocation !

C’est de surcroît par la seule baisse des prix que vous pensez augmenter le pouvoir d’achat. Quelle erreur ! Votre projet de loi relatif au développement de la concurrence au service des consommateurs, limité à cette analyse, sera non seulement inutile mais aura des effets pervers. La grande distribution impose des prix de moins en moins rémunérateurs aux producteurs. Pire, les grands groupes n’hésitent pas à recourir à des importations préventives pour faire chuter les prix, sans même en faire profiter le consommateur. La seule conséquence de telles baisses de prix sera de pousser à la réduction du coût du travail.

Qui plus est, vos politiques mêmes poussent à la hausse le prix de biens et services indispensables : les franchises médicales, la privatisation de GDF, qui assurait, grâce aux contrats négociés de long terme, stabilité des prix et péréquation tarifaire, sont les dernières atteintes portées à l’intérêt général.

Depuis 2002, les réductions d’effectifs qui touchent la DGCCRF, administration de premier recours des consommateurs, mettent en péril les missions que lui assigne notre réglementation. En 2006, 97 départs en retraite, 36 recrutements seulement. En 2007, 140 à 150 départs prévus, 70 recrutements seulement. Pourtant, les enquêtes nationales et les actions de contrôle ne cessent d’augmenter. Et cette politique régressive s’est accentuée ces deux dernières années, où les missions relatives à la protection du consommateur ont subi une diminution plus forte encore de leurs dotations en effectifs et en crédits de paiement. Le contrat pluriannuel de performance prévoit la suppression, entre 2006 et 2008, de 45 équivalents temps plein. Or, dans le même temps, les missions de la DGCCRF s’alourdissent des contrôles communautaires et de l’ouverture à la concurrence. Même constat pour la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) : moins 360 équivalents temps plein en 2008. C’est à une privatisation rampante des missions de contrôle exercées sous l’autorité de l’État que vous procédez. La dérégulation bat son plein !

M. Novelli déclarait à l’Assemblée nationale que la croissance économique repose sur le travail, la compétitivité et l’innovation. « Le travail, nous avons commencé de le libérer des contraintes économiques et du carcan législatif qui l’ont trop souvent bridé. » Mais à qui fera-t-on croire que la casse du code du travail sera efficace contre les délocalisations et sans danger pour les salariés ? « Le capital, nous avons commencé de le libérer avec les dispositions de la loi Tepa, en permettant notamment aux contribuables assujettis à l’ISF d’investir dans le capital des PME. » Mais à qui fera-t-on croire que ces cadeaux fiscaux faits aux ménages les plus riches vont contribuer à la bonne santé de nos PME ? Quant à l’innovation, est-ce la suppression de l’Agence française de l’innovation qui va la relancer ? Et est-ce, comme le prétend notre secrétaire d’État, le traité de Londres qui assurera « l’indispensable protection des droits intellectuels » ? Il rendra au contraire la politique d’innovation plus onéreuse aux PME, puisque les traductions en français, jusque-là assurées par les déposants étrangers, seront désormais à leur frais. Seuls les grands groupes, qui disposent des moyens d’assurer une veille technologique en anglais, ne seront pas pénalisés.

Élu d’une région dévastée par la désindustrialisation, je suis d’autant plus sensible au durcissement du phénomène. Dim, Well, Aubade, Tetzeler, Dalphimetal, Thomé-Génot, ECCE, JDC, Samsonite, Delsey, Jourdan : la liste est longue des victimes de la course au profit. Bien souvent désormais, les plans sociaux annoncés, les appels aux sacrifices salariaux dans des entreprises parfaitement saines ne visent qu’à préparer un projet de délocalisation. On voit même apparaître des montages juridiques frauduleux pour délocaliser à moindre coût.

N’est-il pas, dès lors, intolérable de constater que les crédits de l’action « accompagnement des mutations industrielles » passent de 134 à 7,92 millions ? Ce désengagement de l’État laisse les collectivités locales en première ligne.

Quant l’action 4, relative au secteur postal, elle est dans la lignée de ce que votre majorité a voté au Parlement européen en juillet : la fin du secteur réservé, juteux créneau pour les entreprises privées qui donneront la préférence aux zones urbaines rentables, tandis que les marges de manoeuvre toujours plus réduites de l’entreprise publique mettent en péril la péréquation tarifaire.

M. le président. - Il faut conclure !

M. Jean-Claude Danglot. - Les contradictions, les insuffisances de votre politique sont telles que nous ne pourrons voter les crédits de cette mission.

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