Droit d’accueil pour les élèves : question préalable

Malgré le rejet de l’exception d’irrecevabilité déposée par nos collègues socialistes, le groupe CRC persiste à considérer que ce projet de loi est contraire aux principes et à la lettre de notre Constitution. Il ne respecte ni l’esprit ni la volonté du législateur qui a inspiré l’article 72-2 de notre Constitution. Sur la base de ce seul motif, notre Assemblée devrait décider qu’il n’y a pas lieu de poursuivre nos délibérations.

Il en est de même de la mise en cause du droit de grève : les nouvelles obligations qui le restreignent ne s’appliquent qu’à une seule catégorie de fonctionnaires, une partie du corps enseignant. En cas de conflit de l’ensemble des fonctionnaires, les enseignants des écoles maternelles et élémentaires auraient davantage d’obligations à respecter que leurs collègues. Sous couvert d’un « droit d’accueil minimum », l’État s’exonère de sa responsabilité d’employeur dans la gestion des conflits qui l’opposent à ses salariés en sommant les maires de gérer les crises à sa place. Plutôt que de légiférer, l’État patron devrait développer la culture de la négociation.

Ainsi, le Gouvernement et sa majorité se soucieraient enfin de ce que font les enfants quand les parents travaillent ! Cette préoccupation est très sélective : vous faites une loi pour assurer l’accueil des enfants deux à quatre jours par an, mais qu’en est-il de l’accueil des jeunes le soir après l’école, à l’heure du déjeuner, le mercredi, durant les vacances scolaires, le samedi matin désormais ? C’est pourtant un casse-tête pour les parents. Vous ne vous sentez pas concernés par le quotidien de millions de familles, ni par les problèmes de garde des enfants de moins de trois ans, mais quelques jours de grève par an, cela vous est insupportable !

Est-ce pour faciliter la vie des familles que vous supprimez l’école le samedi matin ou que le Gouvernement détricote le droit du travail pour autoriser le travail du dimanche : que va-t-on faire des enfants ? Votre cible est toute autre. C’est le droit de grève des enseignants qui en en cause : dans ce projet, tout est idéologie et affichage politique ; vous divisez les Français pour porter atteinte à un droit fondamental.

Vous avez tenté en vain de mobiliser les maires puis vous avez suscité le volontariat de vos amis avec des compensations financières mais le succès n’est toujours pas au rendez-vous, les maires n’ayant jugé ni utile ni pertinent de vous suivre -car ils en avaient le droit. Vous en venez à les contraindre en faisant fi de la lettre comme de l’esprit des lois de décentralisation et, pour éviter la constitution d’un front du refus, vous faites examiner votre projet en urgence, en juillet, quand les Français sont en vacances. Il ne s’agit que de 5 millions d’élèves, de 22 000 communes, de quelques centaines de milliers de fonctionnaires territoriaux et de 330 000 enseignants du premier degré...

Devant la complexité du dispositif, vous aviez annoncé en début d’année une concertation. Laquelle ? Selon la presse, moins de 10 % des parents ont eu recours à l’accueil là où il était organisé ; il n’a donc concerné que 31 000 élèves, soit onze élèves par commune : pas même une demi classe ! Ce chiffre ridicule prouve que la loi n’est ni urgente, ni nécessaire. Rien n’est d’ailleurs prévu en cas de grève du personnel d’accueil.

Il n’y a pas lieu de légiférer en ce domaine et encore moins de cette façon. Cette nouvelle restriction du droit de grève est inquiétante pour tous les salariés car il se trouvera toujours quelque bon esprit pour tenter de le réduire.

Ce projet est dangereux pour le service éducatif lui-même, car sous prétexte de créer un service d’accueil en cas de grève, il signe la fin de l’obligation de remplacement des enseignants absents. Si la formulation du projet initial était suffisamment vague, l’amendement de la commission formule explicitement l’objectif. Sous couvert de difficultés réelles de parents durant les rares jours de grève, vous réduisez vos responsabilités éducatives : après le savoir minimum avec le socle commun de la loi Fillon, voici le service minimum de garderie, assimilée à l’éducation. Pour notre rapporteur l’accueil dans l’esprit des parents équivaudrait à l’obligation scolaire. Le code de l’éducation disposera-t-il, comme le propose le rapporteur, qu’il n’est plus obligatoire de ne pas remplacer les enseignants ? Il serait difficilement acceptable que l’enseignement devienne accessoire : la conception même de l’école est en jeu.

Rien dans l’exposé des motifs ne laisse présager la suppression du remplacement des enseignants et je remercie le rapporteur de donner en le précisant une toute autre signification au texte. Aussi doit-il être réécrit, afin de mettre en harmonie son titre, ses objectifs, sa motivation et son contenu.

Enfin, le projet ne répond pas aux obligations de clarté et d’intelligibilité de la loi et les amendements de la commission le brouillent encore plus. Les communes seront organisatrices, ce qui ne garantit pas l’égalité. Devant les critiques formulées par l’Association des maires de France, la commission propose de transférer la responsabilité à l’État. Cette dilution des responsabilités n’empêchera pas les maires de rester pénalement et civilement responsables.

Cette nouvelle limitation du droit de grève répond à une volonté d’affichage politique et idéologique. Cela ne suffira pas à masquer le mécontentement qui croît au fur et à mesure que vous limitez les moyens de l’enseignement.

Retour en haut